Entretien avec Catherine Bastide, galeriste à Bruxelles

« Bruxelles est un lieu avec lequel il faut compter »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2011 - 714 mots

Pourquoi, en tant que Française, avez-vous préféré ouvrir une galerie à Bruxelles plutôt qu’à Paris en l’an 2000 ?
Je connaissais des artistes français vivant à Bruxelles, comme Isabelle Arthuis, et j’avais aussi rencontré, en 1999, la curatrice belge Anne Pontégnie. C’était économiquement plus intéressant. J’ai préféré privilégier la production d’œuvres qu’un énorme loyer parisien. J’ai eu l’occasion de louer une belle maison avenue Louise, et depuis j’ai organisé les premières expositions en Europe de Janaina Tschäpe, Catherine Sullivan ou Josh Smith. Il existe beaucoup d’amateurs très pointus, une vraie tradition de la collection dans le nord de l’Europe. Le fait que Bruxelles soit économiquement viable m’a donné une grande liberté, tout en me permettant de rayonner sur le plan institutionnel dans les pays limitrophes comme la France. 

Bruxelles a-t-elle changé en dix ans ?
Il y a une floraison impressionnante de galeries, dont Tulips & Roses en particulier. Bruxelles est devenue le pendant de Berlin, mais en moins isolée. Il lui faudrait toutefois le relais institutionnel qui existe dans la ville allemande. Il n’y a pas de grands musées comme dans d’autres capitales, mais le travail prospectif effectué n’est pas resté sans écho, notamment auprès des artistes américains. Pour l’école de New York, Bruxelles est un lieu avec lequel il faut compter. 

Vous inaugurez, le 5 février, un nouvel espace avec une exposition de Geert Goiris. Pourquoi avez-vous déménagé ?
Les galeries sont nées à Bruxelles de manière organique, mais deux quartiers se dessinent aujourd’hui : celui autour de la rue Antoine-Dansaert dans le bas de la ville où se trouvent Jan Mot, Aliceday ou Dépendance ; et le quartier Louise, dans le haut de la ville, où se situent Gladstone, Baronian ou Hufkens. J’ai décidé de me rapprocher du bas de la cité, dans le lieu plus underground, avec un bel espace d’environ 160 m2. 

Après trois mois, quel bilan tirez-vous de la vitrine parisienne que vous avez ouverte au 8, rue Saint-Bon (4e arr.), avec les éditions Presses du réel, Macula et JRP-Ringier, et Anna Sanders Films ?
C’est trop tôt pour juger, mais j’aime l’idée d’un projet collectif, car la programmation que j’établis est liée aux activités des différentes structures. En février, nous organiserons, en collaboration avec le galeriste Frédéric Giroux, une exposition des multiples de General Idea avec la signature du catalogue de la rétrospective qui se tiendra au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. En mars, nous montrerons Charline von Heyl à l’occasion de la publication de son catalogue par Les presses du réel. J’ai aussi dans l’idée de monter les premières expositions de jeunes artistes. J’aime travailler en groupe, on se sent soutenu, cela crée des dialogues.

Vous avez une liste d’artistes internationaux plutôt recherchés, comme Kelley Walker. Est-il facile de les garder une fois qu’ils sont reconnus internationalement ?
Oui, quand on développe une relation privilégiée. Il s’agit de faire un travail de producteur, d’être actif et fidèle. Comme Bruxelles est devenue une place plus importante qu’auparavant, c’est aussi plus facile de les garder. Avec Catherine Sullivan, j’effectue presque un travail d’agent, je coordonne les nouvelles pièces. Cela va au-delà de la simple exposition. Sullivan a notamment fourni une œuvre autour de la performance et du théâtre, dont les galeries classiques ne veulent pas s’occuper.

Partager certains de vos artistes, comme Jean-Pascal Flavien ou Geert Goiris, avec des galeries parisiennes est-il un danger ?
Non, ce serait un problème si ma clientèle était uniquement française. Or mon marché est global. Et puis les collectionneurs français viennent en Belgique, notamment depuis l’ouverture de galeries parisiennes à Bruxelles.

Dix ans est une période charnière pour une galerie. Quels en sont les enjeux ?
La difficulté est de renouveler régulièrement le programme, d’être toujours prospectif tout en consolidant la relation avec les artistes qu’on a lancés. C’est plus difficile. Mais, dans le même temps, les grosses galeries internationales ont besoin de gens qui prospectent. Dix ans, c’est effectivement un âge charnière. C’est ce qui m’a poussé à aller de l’avant, à déménager en me rapprochant d’autres galeries, à agrandir mon réseau d’une autre manière, moins commerciale, avec la vitrine parisienne. Quand on ne possède pas des milliards pour produire, il faut inventer de nouvelles idées.

Galerie Catherine Bastide, 1, rue Vandenbranden, Bruxelles, tél. 32 2 646 29 71, www.catherinebastide.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : Entretien avec Catherine Bastide, galeriste à Bruxelles

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