Galeries d’art : entre David et Goliath

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2011 - 765 mots

PARIS - Coincées entre les grandes enseignes et la multitude de petites structures, les galeries de taille intermédiaire réfléchissent à leur avenir. En novembre dernier, l’ancien président du CNPF (Medef aujourd’hui), Yvon Gattaz, publiait Les ETI, champions cachés de notre économie chez Bourin Éditeur.

L’idée ? Souligner l’importance des entreprises françaises de taille intermédiaire. Prises en étau entre les grands groupes du CAC 40 et les PME, ces dernières manquent de reconnaissance. Ce constat s’applique aussi à un marché de l’art de plus en plus pyramidal, clivé entre un pic dominé par une poignée d’éléphants, et une base composée d’une multitude de petites structures ambitieuses. Faute de posséder ni la puissance financière des grands ni la flexibilité des chevaux légers, les galeries de taille moyenne se trouvent dans un goulot d’étranglement. « Lorsqu’on commence à avoir des artistes très reconnus, on est obligé d’accéder à des niveaux de professionnalisation en gagnant dix fois moins et en ayant vingt fois moins d’employés que dans les grandes galeries. On est dans un stress constant », constate Fabienne Leclerc, de la galerie In Situ (Paris).

L’enseigne compte quelques artistes mondialement reconnus comme Gary Hill et Mark Dion, et certains très lucratifs, comme l’Indien Subodh Gupta. Fabienne Leclerc n’en a pas moins le sentiment amer d’arriver parfois après la bataille. « Les grosses galeries touchent les plus gros collectionneurs et, du coup, les artistes sont enclins à leur donner les meilleures pièces, poursuit-elle. J’ai le cas d’un artiste qui me donne un pourcentage plus bas qu’à ses autres galeries, car celles-ci financent plus de productions. » Pour son confrère parisien Laurent Godin, il est plus difficile d’être une galerie de taille intermédiaire dans un vieux pays conservateur comme la France. « On pâtit et on participe à la faiblesse générale du pays. Le moteur du système, c’est l’économie. Et une galerie n’est forte que si elle vend beaucoup. Or, nous sommes sur un micromarché. Je suis sidéré par la frilosité des collectionneurs en France », déclare-t-il.

De fait, nombre de galeries de seconde division réfléchissent à leur avenir et leur format. « Pour l’instant, cette taille me convient, car je peux avoir le contrôle de ma galerie, mais ce n’est pas forcément la place à laquelle je veux être », admet la tête chercheuse Anne de Villepoix (Paris). Pour Fabienne Leclerc, il serait bon que les enseignes se regroupent. Il n’est toutefois pas simple de réunir des sensibilités distinctes, ce d’autant plus que les expériences d’association se révèlent rarement concluantes. Les Parisiens Michel Rein et Nathalie Obadia songent plutôt à ouvrir de nouveaux espaces de « stockage-showroom », à l’image de celui inauguré l’an dernier par Chantal Crousel (Paris). 

Une place à défendre
Ces deux galeries affichent d’ailleurs une certaine satisfaction. « J’avance avec ma réputation de sérieux, ce qui fait que les gens ont confiance. Gagosian ne me fait pas peur, car il existe beaucoup plus d’artistes qui ne veulent pas être chez lui que d’artistes qui y sont. Nous vendons mieux aux musées, car nous avons un rapport plus intellectuel », indique Nathalie Obadia. Celle-ci a ainsi réussi à décrocher un projet au château de Versailles pour Joana Vasconcelos et un autre au Musée Guimet, à Paris, pour Rina Banerjee. « J’ai atteint sans doute une taille intermédiaire sur le plan financier, mais j’ai une influence sur le marché français, ajoute Michel Rein. Il y a une vraie place pour nos galeries, autrement cela voudrait dire que l’art n’est plus qu’un secteur du luxe, après la mode et le design. Notre seule chance de survivre, c’est de rester nous-mêmes. Il faut faire un travail de fond, de précision vis-à-vis des artistes et des collectionneurs. » Ce travail lui a permis d’attirer l’artiste Peter Riedl, alors que ce dernier avait déjà signé avec le New-Yorkais David Zwirner.

De même, Renos Xippas (Paris) a réussi à montrer l’an dernier Robert Irwin, un artiste présent chez The Pace Gallery (New York). « Certains artistes comme Peter Halley ou Vera Lutter préfèrent des galeries de ma taille, parce que je déploie toute l’énergie qu’il faut pour convaincre les collectionneurs d’acheter. Un Gagosian, lui, ne ferait qu’un petit effort pour les vendre, souligne-t-il. Les artistes savent qu’ils sont capitaux dans une galerie moyenne, alors qu’ils passent entre les filets dans une plus grande structure. » De leur côté, les jeunes artistes peuvent choisir entre une petite galerie, ou sauter une étape en intégrant une galerie de taille moyenne, car cette dernière peut vendre des œuvres à bas prix. Un luxe que les grosses antennes ne peuvent s’offrir vu leurs énormes frais généraux.

Légende

Façade de la galerie Laurent Godin, rue du Grenier-Saint-Lazare, à Paris. © Galerie Laurent Godin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : Galeries d’art : entre David et Goliath

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