Performance

L’homme de l’invisible

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 19 janvier 2011 - 483 mots

Le 4 janvier à Rome, l’artiste Renaud Auguste-Dormeuil a proposé une version très personnelle et poétique de la voûte céleste.

ROME - Un étrange spectacle s’est déroulé le 4 janvier dans les jardins de la Villa Médicis, à Rome. Après que la nuit est tombée sur la ville éternelle, une constellation de bougies a peu à peu été allumée pour former un ensemble de prime abord énigmatique et poétique, un champ de petites lueurs vacillantes comme des étoiles. C’est en effet une reproduction de la voûte céleste visible depuis la capitale italienne qu’a proposée Renaud Auguste-Dormeuil (né en 1968). Cette performance de deux heures a permis, grâce à 480 bougies, de reproduire une cartographie du ciel de Rome en ce 4 janvier (1). Cette date n’a pas été choisie au hasard. Dans la course de la Terre autour du soleil, ce jour est celui où notre planète est la plus proche de l’astre. Elle renvoie au 6 juillet où nous sommes le plus éloignés du soleil. L’artiste aime d’ailleurs à rappeler le fait qu’une personne qui serait restée immobile quelque part sur la Terre aurait entre ces deux dates parcouru dans l’univers la bagatelle de 300 millions de kilomètres ! 

Sur les traces de Galilée Mais pourquoi reproduire ainsi le ciel, et surtout pourquoi à Rome ? Il faut revenir près de quatre siècles en arrière, au 14 avril 1611 exactement. Ce soir-là, un banquet fut donné à la Casa Rustica en l’honneur de Galilée. Le savant présenta à ses invités son tube optique, ancêtre du télescope, dont la focale grossissante trente fois leur permit d’observer le ciel romain. La Casa Rustica se trouve aujourd’hui dans les jardins de l’American Academy de Rome et pour célébrer cet événement passé, la NASA lui offrit une reproduction du ciel tel qu’il pouvait être observé en ce fameux soir de 1611. Renaud Auguste-Dormeuil a toujours été fasciné par Galilée, le premier homme à avoir montré quelque chose de non-visible à l’œil nu. Pour l’artiste, « il s’agit d’une métaphore de l’art, qui consiste à montrer de l’invisible ». Ce n’est pas la première fois que l’artiste s’intéresse au ciel. Dans sa série The Day Before, il avait reconstitué numériquement la voûte céleste de plusieurs villes la veille de leur bombardement, à l’exemple de Guernica, Dresde, Nagasaki ou Bagdad. Ces images, loin des horreurs de la guerre, évoquent aussi l’invisible et l’immensité du cosmos face à un événement historique qui prend sens dans l’histoire de l’homme, tout en laissant intact l’univers. Tout comme pour Galilée, une réception fut donnée à Rome le 4 janvier pour Renaud Auguste-Dormeuil. Après avoir assisté à la mise à feu de la carte du ciel, les convives purent admirer ce dernier à travers un télescope d’aujourd’hui. Mais une épaisse couche de nuages rendait les étoiles tout bonnement… invisibles.

(1) Partenaires de la performance : Villa Médicis, Sofitel (Rome) et Pernod Ricard Italia.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : L’homme de l’invisible

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