Le parti pris de Michel Poitevin, secrétaire général de l’Adiaf

« La relation à l’institution est naturelle pour ne dire indispensable »

Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2011 - 823 mots

Depuis le 5 novembre, 78 prêteurs privés montrent au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (Bas-Rhin) des œuvres de leur collection.

Réalisée en coopération avec ce musée et le FRAC Alsace, cette exposition entre dans la logique des triennales « De leur temps » organisées par l’Adiaf (l’association pour la diffusion internationale de l’art français regroupe près de 300 amateurs). Troisième du genre, après Lille-Tourcoing et Grenoble, l’actuelle manifestation s’intéresse aux 43 artistes distingués par le prix Marcel Duchamp. Initiée en 2004, la première exposition avait pour but de dévoiler le goût récent des collectionneurs privés. Il s’agissait de leurs acquisitions effectuées au cours des trois années précédentes. Ce principe fut réédité en 2007 à Grenoble et le sera à nouveau à Marseille en 2013. Mais notre action emblématique reste le prix Marcel Duchamp. 2010 étant son 10e anniversaire et l’année de la triennale, il apparaissait naturel de montrer 10 ans de création en France à travers le prix Marcel Duchamp. Avec la collaboration active de Joëlle Pijaudier, directrice des musées de Strasbourg, nous avons sollicité les prêteurs potentiels afin d’exposer ces 43 artistes. Plus de 150 œuvres ont été retenues et sont montrées. L’exposition prendra fin le 13 février et trouvera une suite en mars à Tokyo, au Mori Art Museum. Ce type d’exercice entraîne naturellement des commentaires, pour ne dire des critiques. Ces propos ont pour objet d’apporter des explications sur les interrogations les plus courantes liées à la relation avec l’institution, à l’unicité des sources en matière de prêts et à la qualité des œuvres montrées. Essayons de répondre à ces trois points principaux. 

Au centre, le collectionneur
La relation à l’institution est naturelle pour ne dire indispensable. Le musée est un carrefour où se rencontrent œuvres, artistes, public et idées créatives. Sans le musée, ses conservateurs et son personnel, « De leur temps » n’existerait pas. Au point de départ, l’accord d’Évelyne Allemand, puis de Guy Tossato, et aujourd’hui de Joëlle Pijaudier, a permis ces manifestations. Cette relation positive a guidé l’Adiaf depuis son origine et est peu courante en France. Elle s’inscrit dans la confiance et la coopération. La coopération parce que nous construisons ensemble, public et privé, l’exposition et son environnement. La confiance dans l’application du principe qui permet de voir une autre facette de l’art d’aujourd’hui. Ce qui est montré provient exclusivement d’amateurs privés.
« De leur temps » a comme centre d’intérêt premier le collectionneur. Elle se veut être la représentation de sa sensibilité propre, son choix, son engagement privé. Le mot privé en France attire toujours interrogation pour ne dire doute ou suspicion. Pourtant, depuis 1995 et [l’exposition au Musée d’art moderne de la Ville de Paris] « Passions privées », puis aussi grâce ou à cause de son délirant marché, l’art contemporain est devenu « tendance ». L’idée de la collection privée est, au moins en apparence, aujourd’hui naturelle. Bien sûr, tous ces amateurs ne sont pas identiques par l’étendue de leur collection ou l’ancienneté de leur engagement. Certains ont cette passion depuis toujours (ou presque), pour d’autres elle est plus récente. Qu’importe, l’Adiaf et ses expositions ont vocation à tous les accueillir pourvu qu’ils soient animés par la même passion. J’ai souvent dit que ces expositions doivent être « une fête pour les collections privées ». Elles mettent en valeur les choix, les engagements des participants et (peut-être) donnent envie à des visiteurs de quitter le costume du regardeur pour revêtir celui de l’acteur engagé. Nous serons ensemble, avec plaisir, à Marseille en 2013. 

Pour l’amour de l’art
Il reste le point le plus discuté : la nature, la qualité, la dimension des œuvres sélectionnées et exposées. Peut-être certains artistes ne sont pas parfaitement représentés. Pardon pour ces faiblesses. Bien d’autres sont présents par des choix forts et des pièces emblématiques (Ardouvin, Lévêque, Blanckart, etc.). Mais est-ce vrai ? Avons-nous montré des pièces plus faibles ? Je ne le crois pas. Les œuvres acquises par les collectionneurs obéissent à de multiples critères influencés par le lieu, l’instant, la situation ou l’opportunité. Au terme du processus d’achat, ce qui est important est de pouvoir afficher au fronton virtuel de chaque œuvre, comme le dit Gilles Fuchs, président de l’Adiaf, « Parva sed apta », petite mais elle me convient. Elle me convient parce qu’elle est magnifique et correspond à mon attente. Pourquoi une œuvre monumentale serait-elle plus forte ? Quel est le rapport entre subtilité et dimensions ? Puis, tout simplement, pourquoi nous faudrait-il transgresser ce choix intime ? Pourquoi nous faudrait-il le considérer comme un élément hors de ce temps ? Nous avons voulu que tous participent à cet instant et montrent l’objet de leur passion. C’est ce qui en fait, à mes yeux, la valeur et l’intérêt. Nous sommes 78 à Strasbourg. Si nous sommes 100 ou 120 à Marseille, l’amour de l’art aura sûrement progressé en France.

ADIAF : Association pour la diffusion internationale de l’art français

Site internet : www.adiaf.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°338 du 7 janvier 2011, avec le titre suivant : Le parti pris de Michel Poitevin, secrétaire général de l’Adiaf

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