Commémoration

Henri IV en brillant amateur

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2011 - 787 mots

Le château de Fontainebleau révèle une face oubliée du monarque : celui de grand ordonnateur des arts.

FONTAINEBLEAU - Si beaucoup a été dit et écrit au cours de cette année de célébration du quatrième centenaire de la mort d’Henri IV (1553-1610), peu a été montré sur les goûts artistiques du Vert-Galant (lire le JdA no 326, 28 mai 2010, p. 8). Tenter de faire renaître le cadre architectural et le luxueux décor du château de Fontainebleau sous son règne, c’est ce que propose enfin l’une des dernières expositions proposées dans le cadre de ces commémorations. Dès 1593, soit avant même son sacre, Henri IV commence à fréquenter la résidence bellifontaine en compagnie de sa maîtresse, Gabrielle d’Estrées. Rapidement, il en fera modifier très profondément l’architecture et les jardins tout en respectant les interventions de François Ier et Henri II. Comme le souligne Vincent Droguet, commissaire de cette exposition intitulée « Henri IV à Fontainebleau, un temps de splendeur », le programme du premier Bourbon est autant artistique que politique. « Si Henri IV avait un goût évident pour le bâtiment, précise-t-il, il s’agissait aussi, par le faste des résidences royales, de montrer que l’autorité royale était rétablie. » Un précieux dessin (vers 1606), le seul plan original du château d’Henri IV – qui n’a malheureusement pas fait le voyage depuis Stockholm – permet de mesurer l’ampleur des transformations subies par l’ancienne résidence des Valois. Ce document a servi de base pour la création d’une maquette en trois dimensions permettant au visiteur de visualiser ce château disparu, dont la magnificence fera écrire à la première épouse du monarque, Marguerite de Valois, « ce paradis terrestre, ce jardin de volupté qu’est devenu Fontainebleau ». L’empreinte du Bourbon est alors très marquée côté jardins, où un grand canal est notamment créé pour ouvrir la perspective en direction d’Avon. La plupart des autres interventions, dont les jardins de l’étang, une île conçue sous les fenêtres du roi ornée de parterres de broderies mais aussi la plupart des fontaines italianisantes conçues par les frères Francini, seront toutefois éradiquées au XVIIe siècle par André Le Nôtre. 

Vestiges rescapés des destructions postérieures 
Côté bâtiments, les interventions sont nombreuses pour parachever le château disparate des Valois. La cour ovale est régularisée et fermée par une porte monumentale. Une avant-cour est créée alors que plusieurs galeries en brique et pierre sont élevées : galerie de la Reine (aujourd’hui galerie de Diane), galerie des Cerfs – la seule à avoir conservé son décor –, galerie des Chevreuils et galerie de la Volière. Ces nouveaux espaces font l’objet de commandes auprès des artistes de prédilection du roi, le Français Toussaint Dubreuil (vers 1561-1602) et l’Anversois Ambroise Dubois (1543-1614). L’exposition tente de restituer ces prolifiques décors à partir des quelques vestiges rescapés des destructions postérieures, seule la voûte de la chapelle de la Trinité, peinte par Martin Fréminet (1567-1619), demeurant un témoignage in situ. Les 80 mètres de la galerie de la Reine, connue notamment par les relevés de Charles Percier (vers 1794), étaient ainsi ornés d’une alternance de peintures mythologiques et de scènes de bataille, exécutées sous la direction de Dubois. L’ensemble, dont il ne reste que quelques épaves, a été détruit sous le Premier Empire.
La célèbre « Belle Cheminée » sculptée par Mathieu Jacquet à partir de 1597 a eu plus de chance, malgré son démontage en 1725, plusieurs éléments lapidaires ayant été conservés dont certains remontés au château. Démantelé au XVIIIe siècle, le cabinet de la Reine comprenait huit panneaux peints dédiés à l’histoire de Tancrède et Clorinde, dont six sont toujours conservés à Fontainebleau (trois ont été rachetés au XXe siècle). Avec les peintures du cabinet du Roi consacrées à Théagène et Chariclée, ils constituent un remarquable exemple de l’art de cette seconde école de Fontainebleau – encore trop souvent occultée par la première école animée par Rosso et Primatice –, admirable transition entre le maniérisme et le sobre raffinement parisien qui sera à la mode dans les années 1630-1650.
La qualité de ces décors pourtant très lacunaires, tout comme le luxe des cinq éléments d’orfèvrerie rescapés des 700 pièces du trésor familial de Navarre – jamais revenus à Fontainebleau depuis le baptême du futur Louis XIII – effacent l’image galvaudée du Béarnais rustique au profit d’un monarque brillant amateur d’art. Ces vestiges laissent aussi rêveur sur ce qu’a été, au tout début du XVIIe siècle, cette luxueuse résidence royale, où les galeries Henri IV rivalisaient de splendeur avec les décors de la Renaissance.

HENRI IV À FONTAINEBLEAU, UN TEMPS DE SPLENDEUR,

Jusqu’au 28 février, château de Fontainebleau, salle de la Belle Cheminée, 77300 Fontainebleau, tél. 01 60 71 50 70, www.chateaudefontainebleau.fr, tlj sauf mardi 9h30-17h. Catalogue, éd. RMN, 208 p., 35 euros, ISBN 978-2-7118-5754-8

HENRI IV À FONTAINEBLEAU

Commissariat : Vincent Droguet, conservateur en chef du patrimoine au château de Fontainebleau

Scénographie : Marc Vallet

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°338 du 7 janvier 2011, avec le titre suivant : Henri IV en brillant amateur

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