Le poumon sud-américain

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 décembre 2010 - 533 mots

L’an dernier, les collectionneurs sud-américains avaient redonné des couleurs à Art Basel Miami Beach. Cette année, leur présence fut tout aussi bénéfique, compensant tant une frilosité américaine qu’une absence européenne.

La plupart de ces amateurs jouent un rôle fondamental dans leur pays, comblant un vide institutionnel grâce à des lieux privés comme le Malba (Musée d’art latino-américain à Buenos Aires), hébergeant la collection Costantini à Buenos Aires (Argentine), ou, dans la même ville, l’espace de Juan et Patricia Vergez. Ces derniers collectionnent depuis vingt ans. D’emblée, ils se sont dirigés vers des artistes peu connus qu’ils continuent à suivre inlassablement une fois leur notoriété confirmée. Comme beaucoup d’amateurs sud-américains, les Vergez ont commencé avec les artistes de leurs pays, Jorge Macchi, Leandro Erlich ou Ernesto Ballesteros, avant de les faire dialoguer avec Olafur Eliasson, Rirkrit Tiravanija, Franz Ackermann ou Pavel Althamer. Aujourd’hui, seuls 30 % de leur ensemble est proprement « latino ». Une vision internationale qui les différencie de nombre de leurs coreligionnaires. « Encore maintenant en Argentine, nous sommes considérés comme des fous, mais pas autant qu’avant. Il y a dix ans, on disait : « les Vergez sont malades, tout cela n’est pas de l’art « », se souvient Patricia Vergez. Et d’ajouter : « En Argentine, il y a des musées, mais ils ne sont pas pointus. Nous avons ouvert notre lieu car nous avons l’obligation de montrer l’art aux étudiants, de leur ouvrir l’esprit. C’est un devoir moral. » 

Mexicains et Brésiliens
Tous les Sud-Américains ne vont pas au même rythme, contexte économique oblige. Le Venezuela ne se trouve pas dans le peloton de tête de la collectionnite. « Les Vénézuéliens étaient des collectionneurs pionniers dans les années 1950, mais, ces dix dernières années, tout s’est ralenti à cause du contexte politique et économique », confie Ana Teresa Fábregas, de la galerie Faría Fabregas (Caracas). De fait, Mexicains et Brésiliens mènent la danse. Il faut dire que le Mexique compte l’homme le plus riche du monde, Carlos Slim, fondateur du Musée Soumaya (Mexico), ou encore la Fondation Jumex (Mexico), lancée par Eugenio Lopez. Derrière ces poids lourds, d’autres collectionneurs sont sortis du bois, comme Isabel et Agustín Coppel, lesquels montrent une trentaine de sculptures dans le jardin botanique de Culiacán. Aidés par une économie florissante, les Brésiliens se révèlent tout aussi actifs. La loi Rouanet permet par ailleurs aux entreprises et aux particuliers de payer respectivement 4 % et 6 % de leurs impôts sur le revenu en investissant dans des activités culturelles. Plusieurs banques brésiliennes ont ainsi développé des centres d’art dans tout le pays. « Depuis deux ans, la participation des collectionneurs brésiliens sur Art Basel Miami Beach est beaucoup plus forte, constate André Millan de la galerie Millan (São Paulo). Le Brésil n’a pas juste une économie forte, il existe deux ou trois générations d’artistes fondamentaux. Le marché de l’art contemporain, ce n’est pas juste un miracle économique. » En revanche, rien n’incite les Brésiliens à acheter de l’art à l’étranger, puisque la taxe à l’importation des œuvres d’art s’élève à plus de 36 % ! De quoi refroidir les ardeurs ou pousser les galeries internationales à trouver des astuces pour éviter une addition douloureuse…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Le poumon sud-américain

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