Biennale

Saint-Étienne à l’heure du design

Pour sa septième édition, la Biennale internationale de design, à Saint-Étienne, a choisi la « Téléportation » pour thème

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2010 - 771 mots

SAINT-ÉTIENNE - Thématique oblige, la 7e Biennale internationale de design de Saint-Étienne (Loire) se « téléporte » également cette année, pour la première fois, dans… la Platine, nouveau vaisseau phare de la Cité du design inaugurée l’an passé (lire le JdA no 311, 16 octobre 2009, p. 5).

Le mot-clé de cette édition 2010, qui se déroule jusqu’au 5 décembre, est, en effet, « Téléportation ». Ou plutôt « était », car ce thème prometteur semble, dans la pratique, s’être dissous dans des problématiques moins originales mais plus malléables, comme la mobilité, qu’elle soit physique ou virtuelle. Au menu : une dizaine d’expositions déployées dans ladite cité, des présentations dans plusieurs musées de la ville, sans oublier l’inévitable programme Off. Bref, de quoi offrir un panorama tous azimuts, du projet d’étudiant au produit industriel, en passant par le prototype ou la recherche prospective.
À la Cité du design donc, l’exposition « La ville mobile » se propose, entre moyens de locomotion inédits et « respirations urbaines » à réinventer, de « montrer comment les designers peuvent intervenir dans le changement des villes ». L’intention est louable, mais la démonstration reste par trop didactique et les exemples se révèlent moins critiques que consensuels. Se revendiquant, eux, davantage critiques bien que n’évitant pas certains poncifs, Fiona Raby et Anthony Dunne présentent l’installation « Entre la réalité et l’impossible ». Leur marotte : dissocier le design du marché, ou « poser des questions, au lieu de toujours produire des réponses », selon Raby. Sauf que, l’habit ne faisant pas le moine, un designer n’est pas automatiquement un bon artiste. Leur propos, théorisé à l’extrême, reste hermétique et les objets métaphoriques qui l’illustrent sont anecdotiques. Plus réjouissante est la présentation « N-1 », dédiée au graphisme. Sont ici réunis des projets d’étudiants en écoles d’art qui sont autant d’expériences qui modifient notre perception. Ainsi en est-il de Paysages/contemplations de Sarah Martinon, qui décrypte, en une centaine de petits formats et avec la technique du collage, quatre types de paysages (banal, détesté, bucolique, en mouvement). Ou de Sonorama de Kamila Mikos, interface sonore amusante qui associe, en un même geste, création musicale et production de formes ou de couleurs.
Les découvertes sont aussi légion dans l’exposition « Demain, c’est aujourd’hui » qui fait le point sur la prospective. La sélection, qui s’ouvre à de nouveaux domaines, oscille désormais entre des réalisations futuristes et néanmoins familières (un concept-car électrique, une bicyclette musicale…), et des projets beaucoup plus étonnants voire inquiétants, comme cette manière de « cultiver » sa viande en bocaux à partir de cellules souches (Stéphane Bureaux, Chicken Muscle), ou de produire soi-même son électricité grâce à Electrocyte Appendix de Revital Cohen, organe artificiel à implanter dans l’abdomen et qui, à l’instar des gymnotes, transforme celui-ci en générateur d’électricité. Demain, nous serons tous des anguilles électriques ! Qui peut le prédire ? Certainement pas l’exposition « Prédiction », « cartographie des différentes typologies du design contemporain ». Tout dans cette présentation exaspère : la démarche, la présentation, la communication. Pis : oser demander à un détenu, à l’isolement dans une microcellule, son sentiment sur la notion de « confort » est proprement scandaleux ! 

Tout confort 
Le confort ? Konstantin Grcic, lui, en fait une démonstration admirable dans l’exposition « Confort » qu’il a imaginée et mise en scène. Le confort, il l’offre. Confort de la visite : de larges espaces pour déambuler entre les vitrines, des canapés pour se détendre. Confort de l’esprit : des pièces à hauteur d’yeux, des cartels lisibles, des textes intelligents. Le confort y est décrypté avec toute la subjectivité qui sied à cette notion. Sont présentés une lunette de W.-C. autonettoyante, un détecteur de mouvement, un sex toy, un amortisseur d’autocar, une valise cabine… « Les objets exposés sont beaux ou moches : la question n’est pas de savoir s’ils ont une qualité esthétique, mais s’ils apportent une commodité ou une liberté, en clair, un confort », explique Grcic. 
Dernière respiration au Musée d’art moderne avec l’installation « Transparences » de Felipe Ribon sur le thème de la lumière. Le designer a choisi des pièces au sein de la collection du musée et créé quatre scénographies correspondant à quatre moments lumineux : jour, contre-jour, ombre portée et ombre propre. Une façon subtile d’amener le visiteur à regarder différemment ces objets du quotidien, « sacralisés » une première fois à leur entrée au musée et, ici, une seconde fois placés sous les feux de la rampe.

BIENNALE INTERNATIONALE DE DESIGN 2010,

Jusqu’au 5 décembre, Cité du design, 3, rue Javelin-Pagnon, 42000 Saint-Étienne, tél. 04 77 49 39 00, programme complet sur www.biennale2010.citedudesign.com

DESIGN 2010

Commissariat :
Constance Rubini,
Claire Fayolle,
Konstantin Grcic,
Fiona Raby,
Anthony Dunne,
Benjamin Loyauté,
Collectif Designers ,
Felipe Ribon,
Jean-Marie Courant,
Emmanuel Tibloux,
Samuel Vermeil,
Michel Philippon et
Emmanuel Tibloux

Scénographie : François Bauchet et Benjamin Graindorge

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°336 du 3 décembre 2010, avec le titre suivant : Saint-Étienne à l’heure du design

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