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Au-delà de la manie verte

L’Espace Fondation EDF, à Paris, s’intéresse aux préoccupations écologiques

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2010 - 440 mots

PARIS - « Rehab » pour… réhabilitation ! Derrière ce titre, qui pourrait passer pour un néologisme un peu barbare, se dévoile une exposition à la tonalité toute singulière, qui fait de la réhabilitation donc, mais aussi du remploi ou de l’usage détourné, un terrain d’exploration.

Menée par la critique d’art Bénédicte Ramade, la réflexion est intéressante en ce qu’elle se positionne bien au-delà de la seule préoccupation écologique, par trop à la mode, en élargissant son propos à des considérations artistiques qui ne le sont pas forcément. Une manière de « montrer le déchet et le recyclage en dehors d’une moralité verte, d’un discours trop solennel sur l’environnement, et de revenir à l’essence, celle de l’art », affirme la commissaire, tout en rappelant que recyclage et vie nouvelle du déchet, considérés dans une optique environnementale, ont préoccupé des artistes depuis plusieurs décennies. Un formidable film de Gordon Matta-Clark en atteste. Tourné dans l’immense décharge de Staten Island, près de New York, Fresh Kills (1972) documente la destruction de la camionnette de l’artiste dans ce lieu infernal, symbole d’une société de consommation en essor constant où le problème de la gestion du déchet devient toujours plus aigu.  Lectures contradictoires À considérer l’idée même de matériau, les préoccupations sont diverses, voire contradictoires, et les lectures tout autant. Du côté des « verts » purs et durs, le palmier carbonisé de Douglas White, constitué de pneus éclatés, fait un peu froid dans le dos (Icarus Palm, 2006), pendant que les photographies de Mierle Laderman Ukeles, pionnière de l’art écologique américain, documentent le système de gestion des déchets de la ville de New York, en s’intéressant notamment aux éboueurs de la cité (Touch Sanitation, 1984). Mais, très vite, le discours prend le large pour emprunter d’autres voies. Lorsque Marjan Teeuwen empile jusqu’à l’étouffement des tonnes de papier dans un espace devenu claustrophobe qu’elle photographie ensuite (Verwoerst Huis 2, 2009), Eva Jospin compose tout en délicatesse un paysage avec des cartons d’emballage (Forêt, 2010). Christian Gonzenbach joue, lui, de la métamorphose, avec des « peaux » d’appareils divers accrochées au mur tels des trophées de chasse (Skins. A Hunter Collection, 2001-2010). Chez d’autres, tels Ian Pedigo ou Mario D’Souza, entrés de plain-pied dans le champ de l’abstraction, l’utilité des matériaux n’est dès lors plus reconnaissable, niant presque leur fonctionnalité passée. Cet équilibre bien dosé entre des œuvres militantes et d’autres purement artistiques empêche ici, et c’est salutaire, toute instrumentalisation dogmatique de la préoccupation verte.

REHAB. L’ART DE RE-FAIRE,

Jusqu’au 20 février 2011, Espace Fondation EDF, 6, rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 53 63 23 45, fondation.edf.com, tlj sauf lundi 12h-19h. Cat. éd. Gallimard, 13 euros

REHAB

Commissariat : Bénédicte Ramade, critique d’art
Nombre d’œuvres : 18

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°336 du 3 décembre 2010, avec le titre suivant : Au-delà de la manie verte

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