PLF 2011

Le budget au filtre du Parlement

Les crédits alloués à la Culture ont été votés à l’Assemblée nationale. Non sans réserves sur les méthodes budgétaires

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 16 novembre 2010 - 903 mots

PARIS - La présentation à la presse du projet de budget du ministère de la Culture pour 2011, fin septembre, avait atteint des sommets en termes de brouillage des informations (lire le JdA no 332, 8 octobre 2010, p. 7).

La présentation à la presse du projet de budget du ministère de la Culture pour 2011, fin septembre, avait atteint des sommets en termes de brouillage des informations (lire le JdA no 332, 8 octobre 2010, p. 7). Son vote à l’Assemblée nationale permet heureusement d’en mesurer la teneur réelle. Cela même si les députés ont, à leur tour, déploré un manque de lisibilité « nuisible à l’efficacité du contrôle parlementaire ». Pour 2011, toute la politique du livre – y compris celle d’un opérateur comme la Bibliothèque nationale de France – a ainsi été transférée vers la mission « Médias, livre et industries culturelles » qui devient un « programme «fourre-tout» qui se prêtera mal, selon Richard Dell’Agnola (UMP), rapporteur de la commission des finances, à l’analyse des objectifs de la performance et de l’évolution des crédits ». Les députés n’ont pas plus été dupes de la tendance baissière des crédits. Si Patrick Bloche (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, ou « SRC ») a salué le « profil bas » du ministre lors de l’examen du budget en commission, il n’a pas manqué de souligner le contraste « avec l’exposé un peu triomphaliste » de la conférence de presse de septembre. De fait, hors personnels, les crédits de paiement de la mission n’augmentent que de 0,8 % alors que l’inflation devrait atteindre 1,5 %. Sur la période 2011-2013, la baisse atteindra 3,21 % en autorisations d’engagements (AE). 364 emplois (équivalents temps-plein) devront être supprimés, dont 93 pour le seul ministère. 

Dégel incertain
Dans ce contexte, quelques bonnes nouvelles sont à saluer, comme la poursuite des investissements dans le domaine du patrimoine monumental signifiée par la hausse des autorisations d’engagements ( 11,25 %), qui s’élèvent à 375 millions d’euros. Prudence toutefois, puisque 10 millions devront provenir de la taxe sur les jeux en ligne affectée au Centre des monuments nationaux, dont le produit n’est pas assuré. Sur cette enveloppe, seuls 290 millions d’euros (en AE) seront versés pour des opérations de restauration et d’entretien des monuments historiques, alors que plus de 62 millions seront injectés dans des grands travaux patrimoniaux (Versailles, Quadrilatère Richelieu…). Si la subvention de fonctionnement des établissements publics baisse de 5 %, les musées voient leur enveloppe augmenter de plus de 13 % (en AE) pour atteindre 392 millions d’euros. Soit 46 millions supplémentaires sur lesquels 25,75 millions ont été prévus pour le plan Musées en régions (lire le JdA no 331, 24 septembre 2010). Du côté des arts plastiques, la forte hausse – près de 20 % (en AE) – sera dirigée vers les travaux du Palais de Tokyo, à Paris. En revanche, deux projets phares du quinquennat ne bénéficient pas d’ouverture de crédits pour le lancement de leurs travaux : la Maison de l’histoire de France et la Philharmonie. Le ministre s’est refusé à prononcer la condamnation de ce dernier projet, qui requiert pourtant, pour 2011, l’ouverture de 100 millions d’euros (en AE) et de 145 millions (en CP), sur un coût global de 373 millions. Les députés ont par ailleurs, une nouvelle fois, manifesté leurs réserves sur le Conseil de la création artistique, dont le financement continue à poser problème. Outre les 609 000 euros de crédits de fonctionnement financés par Matignon, 10 millions d’euros lui sont affectés pour ses projets, « soit un tiers des crédits de l’éducation artistique », a précisé le député Marcel Rogemont (SRC), crédits qui n’ont augmenté que de 2 % en dix ans. Or ces 10 millions sont soumis à un étrange tour de passe-passe. Annoncés comme étant prélevés sur le budget des services du Premier ministre, ils n’ont pas été inscrits en loi de finances et ont dû faire l’objet d’une avance du ministère de la culture. Qui les a ponctionnés sur la « Transmission des savoirs », provoquant de fortes tensions sur un programme (lequel accuse de surcroît une baisse de plus de 7,5 %) déjà affecté par un prélèvement de 2,38 millions d’euros en vue de financer l’Exposition universelle de Shanghaï !

Mais une incertitude de poids pèse sur le budget de la Culture : celle de l’obtention du dégel de la réserve de précaution (5 % des crédits). Frédéric Mitterrand n’a pas apporté aux députés la garantie d’obtenir la même faveur que l’an passé, le dégel ayant été annoncé dès janvier 2010 par le président de la République. Débloqué seulement en mai, il a ménagé quelques surprises. Comme le soulignent les rapports de Monique Boulestin (SRC) et Marie-Odile Bouillé (SRC), quelques résidus n’ont pas été débloqués : 50 000 euros pour le programme « Création » et 540 000 pour le programme « Patrimoines ». Par ailleurs, le coût de l’instauration de la gratuité dans les musées et monuments nationaux pour les 18-25 ans – soit 16,3 millions d’euros (1) – n’a jamais été inscrit en loi de finances et a été prélevé sur le dégel du programme « Patrimoines ». Donc « au détriment de tout le programme », comme le reconnaît la Rue de Valois. Soit tout l’inverse des promesses sur le sujet.  

(1) Le coût de la gratuité pour les enseignants a été compensé par l’Éducation nationale à hauteur de 5,8 millions d’euros.

LE BUDGET 2011 EN CHIFFRES (en millions d’euros)

AE : autorisations d’engagement : limite supérieure des dépenses pouvant être engagées>
CP : crédits de paiement : limite supérieure des dépenses pouvant être payées pour couvrir les engagements

-Mission Culture : 2 708 (AE) et 2 672 (CP)>
-Mission Médias : 1 452 (AE) et 1 455 (CP)>
-Effort total de l’État en matière culturelle (tous ministères confondus) : 11 220 (AE) et 11 194 (CP)>
-Fonctionnement du ministère : 60,9 (hors loyers budgétaires)>

-Patrimoine monumental : 375 (AE) et 379 (CP) dont :
-Entretien et restauration des monuments historiques : 290 (AE) et 328 (CP)
-Grands projets (Versailles, Quadrilatère Richelieu, fort Saint-Jean, hôtel Salé) : 62,4 (AE) et 28 (CP)

-Musées : 392,26 (AE) et 371,6 (CP) dont :
-Subventions pour fonctionnement : Louvre (102), Orsay (9,8), CNAC-Centre Pompidou (78,6), Quai Branly (24,6) [l’établissement perçoit le même montant du ministère de l’Enseignement supérieur]
-Plan Musées : 25,8 (AE) et 18,8 (CP)
-Mucem : 35,5 (AE) et 24,1 (CP)
-Acquisitions : 16,6 (AE = CP)

-Patrimoine archéologique : 8,4 (AE) et 6,9 (CP)
-Archives et célébrations nationales : 27,5 (AE) et 66,1 (CP)
-Arts plastiques : 71 (AE) et 73 (CP) dont Palais de Tokyo : 14 (AE) et 13 (CP)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°335 du 19 novembre 2010, avec le titre suivant : Le budget au filtre du Parlement

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