Biennale

Manifesta 8 entre Europe et Afrique

Installée entre Murcie et Carthagène, en Espagne, la biennale européenne se concentre sur les rapports historiques de la région avec l’Afrique du Nord.

Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2010 - 720 mots

MURCIE ET CARTHAGÈNE (ESPAGNE) - La huitième édition de Manifesta, biennale européenne itinérante, a ouvert ses portes le 9 octobre dans les villes espagnoles de Murcie et Carthagène. Selon son credo – la mise en valeur de la culture, l’architecture et la « psycho-géographie » des sites –, la manifestation entend, cette année, s’attarder sur les liens entretenus entre la région et l’Afrique du Nord, mais également sur l’histoire plus récente de l’Espagne et ses divisions politiques.

Alors que l’édition 2010 aurait dû se partager entre Gdansk, en Pologne, et l’Espagne pour créer un lien nord-sud (la logistique s’est vite avérée impossible), le directeur et fondateur de Manifesta, Hedwig Fijen, estime que l’occasion d’investir une région riche de près d’un millénaire de relations avec le nord de l’Afrique était tout aussi intéressante. Manifesta 8 reflète l’importance croissante de régions extra-européennes – Asie, Inde, Afrique, Amérique Latine – même si certains commissaires se disent « préoccupés » par les complexités inhérentes au sous-titre de la manifestation : « En dialogue avec l’Afrique du Nord ». Volontairement nomade, Manifesta s’oppose également au principe du directeur artistique star. Pour chaque édition, le comité de la biennale sélectionne des collectifs de jeunes commissaires, dont la plupart n’ont jamais travaillé ensemble. Cette année, le comité en a retenu trois : Alexandria Contemporary Arts Forum (Égypte), Chamber of Public Secrets (Scandinavie, Royaume-Uni, Liban et Italie) et Tranzit.org (Autriche, République tchèque, Hongrie et Slovaquie). 

Échange d’idées
Tranzit.org prend le concept de « l’exposition » comme point de départ. Le curateur pragois Vít Havránek explique que les artistes ont été isollicités pour participer à une exposition organisée collectivement autour des échanges d’idées sur les conflits et l’imagination. « La plupart présentent de nouveaux travaux et ont été choisis car ils bousculent les stéréotypes de l’histoire, de la géopolitique, de l’identité nationale ou des genres. Nombre d’entre eux sont également des artistes qui jouent un rôle important au niveau local, mais sont méconnus sur la scène internationale », explique-t-il. La seconde partie du projet invite chaque artiste à répondre à une liste de 45 questions sur la manière d’organiser l’exposition, leurs réponses devant livrer une « constitution » commune. La Constitution pour l’exposition contemporaine a vite divisé les artistes : certains s’enthousiasment pour sa rédaction pendant que d’autres organisent des réunions « anti-constitution », « probablement ravis de mettre le feu à tout ce qui peut être suggéré », plaisante Havránek.
Les commissaires d’Alexandria Contemporary Arts Forum sont également engagés dans des débats politiques et théoriques. Ils présentent trois projets, l’un à l’« Antigua oficina de Correos y Telégrafos », l’ancien bureau de poste, un autre au white cube plus conventionnel Espacio AV, tous deux à Murcie ; et, à Carthagène, au Musée national d’archéologie subaquatique. Le projet « Backbench » – en référence aux backbenchers, les députés britanniques – présente une série de débats filmés, où des collectifs d’artistes internationaux débattent sur les pratiques de l’art contemporain. L’artiste beatbox new-yorkais Kenny Muhammad est, lui, filmé récitant une série peu commune de Prières pour l’art, récoltées auprès de dix auteurs, critiques et artistes. Enfin, le groupe a choisi de reconstruire un projet avorté des années 1980 : le Musée d’art hispanique contemporain, à New York.
Le collectif Chamber of Public Secrets, emmené par l’artiste libanais Khaled Ramadan et l’auteur Alfredo Cramerotti, s’intéresse à la relation entre l’art et les médias, en particulier les artistes qui utilisent et remettent en question les méthodes journalistiques dans leur travail. Mais Cramerotti se dit plus intéressé par les créateurs dont l’œuvre peut avoir un réel impact sur le journalisme. Plusieurs de ces projets se développent dans la presse locale, à la radio ou à la télévision. L’artiste berlinois Ralf Homann a ainsi créé une série de programmes radio basée sur des interviews locales qui révèlent peu à peu une peinture complexe des unions interraciales et internationales ainsi que des effets de l’immigration.
Manifesta 8 ne dépareille pas des précédentes versions dans sa volonté d’encourager les expérimentations curatoriales et de présenter les travaux d’artistes jeunes ou inconnus. Que les projets parviennent à former un tout cohérent, ou qu’ils soient écrasés par un discours théorique pesant, est un risque inhérent à l’événement. L’édition 2010, comme les meilleures d’entre elles, ne déçoit pas. 

MANIFESTA 8

Jusqu’au 9 janvier 2011, divers lieux à Murcie et Carthagène, Espagne, www.manifesta.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°334 du 5 novembre 2010, avec le titre suivant : Manifesta 8 entre Europe et Afrique

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