Brésil

Hors limites

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 octobre 2010 - 717 mots

Le collectionneur brésilien Bernardo Paz inaugure de nouvelles installations dans son domaine Inhotim unique.

BRUMADINHO (MINAS GERAIS) - « No Limits for Space and Time ». Le titre donné à la nouvelle série d’installations et de pavillons inaugurés dans le domaine Inhotim à Brumadinho, à une heure et demie de route de Belo Horizonte au Brésil, ne pouvait être plus juste. Car l’expérience de la visite est bel et bien une défiance adressée à la sensation tant de temps que d’espace. Quelques chiffres éclairent la (dé)mesure de l’entreprise : 500 employés, un domaine de 100 hectares encadré par une forêt préservée qui en couvre 300 autres, dix-sept galeries déjà édifiées, aux conceptions architecturales toujours originales. Mais aussi vingt installations extérieures appelées à demeurer pérennes réalisées par des artistes tels Dan Graham, Simon Starling, Jarbas Lopes, Yayoi Kusama, Cildo Mereiles… Inhotim, c’est également un conservatoire botanique où sont entretenues des espèces rares : 4 500 y sont cultivées, dont 1 300 pour les seuls palmiers, soit l’une des plus belles collections au monde. Au nombre des projets marquants, Chris Burden a rejoué à échelle monumentale une performance de 1984 consistant à jeter des barres métalliques dans une piscine de béton (Beam Drop Inhotim, 2008). Doris Salcedo occupe un pavillon pour lequel elle a imaginé Neither (2004), œuvre troublante puisque l’espace, vide, est habité par les seules vibrations engendrées par du grillage incrusté dans le plâtre des murs, quand ce n’est pas la seule trace du grillage qui subsiste. Troublant est également le Sonic Pavillion (2008) de Doug Aitken, structure circulaire faite d’un verre qui s’opacifie ou s’éclaircit au gré des déplacements, jouant ainsi sur la révélation du paysage. Surtout, un forage central long de 200 mètres a permis à l’artiste d’aller déposer un micro qui, par un jeu de réverbérations, capture et retransmet le son des entrailles de la Terre. Le visiteur a la sensation de se tenir là hors de l’espace et du temps ! Dans les galeries, où se côtoient plusieurs propositions, d’autres œuvres remarquables sont au rendez-vous. Ainsi la galerie Praça donne-t-elle à voir un formidable Ernesto Neto précoce, fait de nylon et de billes de plomb (Copulônia, 1989), ou des cylindres en béton d’Alexandre da Cunha emplis de couleur jaune (Public Sculpture (Pouff 1), 2008). Le prenant Forty-Parts Motet (2001) de Janet Cardiff, installé dans une salle ouverte sur la nature luxuriante, est également une œuvre à vivre.  Belles révélations Né de l’imagination du collectionneur Bernardo Paz, entrepreneur ayant fait fortune dans les mines, ce projet singulier mêlant art et paysage est selon lui « un cadeau fait à la population » et entretient des visées éducatives affirmées : « le premier pas vers l’éducation est la curiosité, et cet endroit est une curiosité », assène-t-il. À voir les familles, nombreuses, qui chaque jour déambulent dans les lieux, force est de constater que la curiosité est émoustillée. Fondé deux ans avant son ouverture au public en 2006, Inhotim s’enrichit régulièrement de nouvelles propositions artistiques, avec une inauguration programmée à un rythme biennal. Le cru 2010 ne manque pas de belles révélations, avec notamment Palm Pavilion (2006-2008), une installation par Rirkrit Tiravanija inspirée de la maison tropicale de Jean Prouvé, et un décor lunaire de Dominique Gonzalez-Foerster, où, sur une étendue de sable gris-blanc, sont dispersés des abribus en béton aux formes curieuses, qui invitent à la pause (Desert Park, 2010). Jouissive est en outre la galerie Cosmococas, qui redonne vie au projet d’Hélio Oiticica et Neville D’Almeida ; une expérience de cinéma global dont le spectateur est partie prenante, intégré au sein d’immenses projections de pochettes de disque, photos ou coupures de presse redessinées par des ombres et de la cocaïne. À la galeria Mata, c’est le jeune Marcius Galan qui fait mouche avec Seção Diagonal (2008), lorsqu’une simple différence de teinte au sol et sur les murs, un jeu d’éclairage et une réglette de bois laissent croire à la présence d’une vitre barrant l’espace ; tous les visiteurs tombent dans le panneau ! Malgré l’ampleur de l’expérience, Bernardo Paz n’entend pas en rester là, prévoyant de porter à quarante environ le nombre de pavillons. D’autres découvertes uniques sont en perspective.

NO LIMITS FOR SPACE AND TIME

Inhotim, Rua B, 20, Brumadinho, Brésil, tél. 55 31 3227 0001, www.inhotim.org.br, tlj sauf lundi-mardi 9h30-16h30, samedi-dimanche 9h30-17h30.

INHOTIM

Équipe curatoriale : Allan Schwartzman, Jochen Volz, Rodrigo Moura, Júlia Rebouças
Collection : environ 500 œuvres de 100 artistes de 1960 à nos jours

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Hors limites

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