Un grand Claude Monet

Trente ans après une première rétrospective, le Grand Palais rouvre ses portes à l’œuvre de l’impressionniste

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2010 - 753 mots

Pari réussi pour cette nouvelle rétrospective « Claude Monet » aux Galeries nationales du Grand Palais, à Paris. Une première depuis trente ans. À travers près de deux cents toiles venues du monde entier, le chef de file de l’impressionnisme y apparaît sous son plus beau jour : exigeant, méthodique et obsessionnel.

PARIS - Depuis quelques jours au Grand Palais, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Trente ans après la dernière rétrospective française consacrée au chef de file de l’impressionnisme, l’exposition blockbuster la plus attendue de la saison parisienne parvient, en près de 180 tableaux venus du monde entier, à poser un regard neuf sur l’œuvre de Claude Monet. Au menu de ce rendez-vous incontournable, la peinture au sens le plus fondamental. Récemment, les expositions (plus ou moins réussies) chargées de situer Monet à la racine de mouvements contemporains ont, en effet, été si nombreuses que son œuvre à proprement parler a été perdue de vue. L’équipe de commissaires a également fait le choix judicieux de ne pas s’encombrer d’éléments parasites, comme des objets anecdotiques, des photographies ou des vidéos montrant le peintre à son chevalet dans le cadre bucolique de son jardin ou de son atelier (chose rare en un temps où la recontextualisation et le biographique sont de rigueur). Exception faite du mur de Cathédrales signées Roy Lichtenstein, pas un chapeau de paille, pas une palette craquelée, pas une lettre ne viennent troubler une visite qui, sans pour autant être formaliste, invite à ouvrir l’œil. Dans une scénographie chrono-thématique toute en courbes enveloppantes où le visiteur glisse sans effort, le parcours dévoile un Monet observateur, méthodique, voire perfectionniste. Au lieu de donner la primeur à la chronologie, l’accrochage très étudié s’attarde sur les lieux (Normandie, Île-de-France et Paris, Méditerranée, Londres, Venise…) et n’hésite pas à grouper des tableaux de dates différentes pour mettre en évidence les variations de traitement du sujet. Comme un peintre modifie la pose de son modèle pour améliorer un effet de drapé, Monet utilise le soleil pour modeler ses compositions, et initie très tôt le procédé sériel en produisant plusieurs tableaux à partir d’un même motif. Idem pour la touche qui, d’un peuplier à l’autre, d’un voilier à Argenteuil à l’autre, s’élargit ou se resserre. Très tôt également, Monet sait faire vibrer la lumière dans une composition d’apparence sombre, comme La Plage de Sainte-Adresse, temps gris (1867) dont les galets blancs reflètent un soleil assourdi par les nuages, ou la neige qui brille plus que La Capeline rouge de Mme Monet (1873). Comme en témoigne la douce progression vers une peinture plus évanescente, plus symboliste, le peintre « de la joie de vivre » achève de contredire son apparente légèreté. Au cœur de ce tourbillon de paysages, les salles centrales consacrées aux figures et aux natures mortes offrent une respiration bienvenue. Et l’impression de redécouvrir les Femmes au jardin et des fragments du Déjeuner sur l’herbe à la beauté renversante trahit le besoin sérieux du Musée d’Orsay de revoir son accrochage. 

Visite quasi hypnotique
Dans ce tableau d’ensemble lumineux dans tous les sens du terme, il faut cependant déplorer quelques ombres. Tout d’abord la parenthèse comparative entre les Cathédrales de Monet et celles de Lichtenstein ne fait pas mouche. Si un tel exercice est justifié dans l’absolu, il est tout simplement hors de propos dans le cadre précis de cette exposition, tant il casse le rythme d’une visite quasiment hypnotique. Enfin, la montée en puissance du parcours laissait augurer d’un final somptueux célébrant les grandes décorations du peintre, à l’image de celle qui concluait le parcours de « Monet in the XXth century », à la Royal Academy of Arts de Londres en 1999. À une telle apothéose, les commissaires ont préféré un ensemble décevant, sorte d’amuse-bouche pour inciter le public à poursuivre sa visite au Musée de l’Orangerie, accessible grâce à un billet jumelé. Certes, nombre de ces grands formats sont retenus au Musée Marmottan – qui n’a pas voulu jouer le jeu de cette rétrospective, faisant des visiteurs les grands perdants de l’affaire –, mais il existe d’autres collections à même d’accorder des prêts similaires. Seuls les Nymphéas rouges en provenance du Fine Arts Museum de San Francisco relèvent le niveau.

CLAUDE MONET (1840-1926)

jusqu’au 24 janvier 2011, Galeries nationales du Grand Palais, 1, avenue Général-Eisenhower, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.monet2010.com, tlj 10h-22h, le mardi 10h-14h, le jeudi 10h-20h, pendant les vacances scolaires 9h-23h, fermé le 25 décembre. Catalogue, éd. RMN, 384 p., 300 ill., 50 euros, ISBN 978-2-7118-5687-9

CLAUDE MONET

Commissariat : Guy Cogeval, président du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie ; Sylvie Patin, conservatrice générale au Musée d’Orsay ; Sylvie Patry, conservatrice au Musée d’Orsay ; Anne Roquebert, conservatrice en chef au Musée d’Orsay ; Richard Thomson, Watson Gordon Professor of Fine Art, université d’Édimbourg
Scénographie : Hubert Le Gall
Mécénat : Natixis

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°332 du 8 octobre 2010, avec le titre suivant : Un grand Claude Monet

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