États-Unis - Musée

Ça déménage au Whitney Museum

Par Judith H. Dobrzynski · Le Journal des Arts

Le 21 septembre 2010 - 877 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

Les administrateurs du Whitney Museum of American Art ont voté à l’unanimité en faveur du projet de Renzo Piano. Le musée quittera définitivement son bâtiment historique sur Madison Avenue.

NEW YORK - Les administrateurs du Whitney Museum of American Art, à New York, ont voté à la fin du mois de mai le lancement des travaux pour un nouvel édifice phare situé dans le « Meatpacking District », l’ancien quartier des abattoirs au sud-ouest de Manhattan. Une décision unanime a mis fin à une longue période de dissensions au sein du conseil d’administration au sujet d’un éventuel déménagement du Whitney : le musée quittera son bâtiment historique signé Marcel Breuer sur Madison Avenue, et ce même si l’administrateur émérite Leonard Lauder menaçait de quitter le navire. Au dire de certains administrateurs, des larmes de joie auraient coulé.

Le directeur du musée, Adam Weinberg, a annoncé triomphalement à l’issue de la réunion que les travaux débuteraient au mois de mai 2011. Il reste cependant à son conseil d’administration plusieurs problèmes à résoudre. Tout d’abord, rassembler les 680 millions de dollars (528 millions d’euros) nécessaires au projet, dont 230 millions demeurent encore à lever. Jusqu’à présent, la Ville et l’État de New York ont versé 70 millions, tandis que le conseil a réuni 372 millions. Le Whitney espère récolter une bonne centaine de millions de dollars grâce à la vente de plusieurs de ses bâtiments, ainsi que d’une annexe proche de l’édifice Breuer. 

Le musée, qui n’a pas détaillé la stratégie de la campagne de levée de fonds ni dévoilé l’identité des plus importants donateurs, s’est contenté de déclarer que l’argent récolté jusqu’ici émanait d’administrateurs et de « donateurs clés ».

Dépasser le « white cube »
La grande inconnue demeure le sort du bâtiment historique de Breuer sur Madison Avenue. Le Whitney peut difficilement se permettre de gérer deux bâtiments. Or, au moment où Leonard Lauder a fait don de 131 millions de dollars en 2008 (la plus importante donation du musée à ce jour), l’administrateur a posé comme condition que le bâtiment Breuer, inauguré en 1966, ne soit pas vendu. Sur ses conseils, le Whitney est aujourd’hui en discussion avec le Metropolitan Museum of Art, susceptible de louer les espaces le temps de rénover ses propres galeries d’art contemporain en 2015. Mais cette solution ne serait que temporaire. Certains observateurs du Whitney craignent que le bâtiment ne soit vendu. Lauder a simplement déclaré : « Les étoiles sont toutes alignées. C’est le bon moment pour construire, le bon moment pour investir, dans le bon quartier, avec le conseil d’administration adéquat. On ne pourrait pas faire mieux. » Un administrateur de longue date a appuyé : « Tout le monde s’est retrouvé dans une cohésion d’ensemble comme je n’en ai jamais vu au Whitney. » Et Joanne Leonhardt Cassullo, administratrice, a précisé : « Cela nous donne l’opportunité de réfléchier à ce qu’est l’expérience muséale au XXIe siècle. » Ajoutant que le Whitney pourrait rester ouvert plus tard le soir (il ferme actuellement à 18 heures, et 21 heures le vendredi) et projeter des vidéos sur l’édifice. Avant toute chose, le Whitney bénéficiera de plus d’espace. Dessiné par Renzo Piano, le nouvel édifice situé au coin des rues Gansevoort et Washington accueillera les visiteurs sous un porche monumental et proposera 5 850 mètres carrés de galeries, soit le double des espaces de Madison Avenue. Outre une présentation élargie de la collection – qui comprend 18 000 œuvres dont seules 150 sont actuellement visibles –, un vaste plateau d’exposition au deuxième étage (1 675 m2 sans aucune colonne) pourra accueillir des œuvres d’art contemporain de grand format. 1 200 mètres carrés de surface supplémentaire seront répartis sur les terrasses de quatre des six étages du bâtiment ; certaines donneront sur la ville ; d’autres, sur le fleuve Hudson, devraient être dédiées aux sculptures et performances. Renzo Piano et les conservateurs du Whitney débattent à présent avec le concours d’artistes sur la manière d’utiliser des nouveaux espaces modulables et sur l’opportunité de dépasser le concept de white cube.

Les membres du conseil assurent que le déménagement du musée n’altérera pas sa stratégie d’acquisition axée sur l’avant-garde, ni son goût pour les expositions – avec toutefois une orientation plus internationale. Ce nouvel édifice accueillera également des salles de classe, une salle de séminaire, un centre d’études, une bibliothèque, un plus grand atelier de restauration et un auditorium de 170 places. Le tout sur une surface de 18 000 mètres carrés. Le musée n’a pas souhaité s’exprimer sur un éventuel accroissement de ses effectifs.

L’engouement du conseil doit beaucoup à la localisation du nouvel édifice, à l’extrémité sud de la ligne de métro aérien désaffectée, la High Line, transformée en coulée verte. Ce site est perçu comme la solution au problème de fréquentation du musée. L’an dernier, le Whitney a attiré à peine 322 000 visiteurs, soit moitié moins que dans les années 1990. Le Meatpacking District bourdonne d’activité jour et nuit, et la High Line, inaugurée en juin 2009, a attiré plus de deux millions de promeneurs dans sa première année. « Beaucoup de ces gens s’aventureront dans le Whitney, et seront captivés par l’art, assure un membre du conseil. Le cœur des visiteurs du Whitney grandira de manière exponentielle. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°331 du 24 septembre 2010, avec le titre suivant : Ça déménage au Whitney Museum

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