Certificat de libre circulation : mode d’emploi

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 1169 mots

La loi n° 93-1477 du 31 décembre 1992 a réorganisé le dispositif de contrôle des exportations de biens culturels, compte tenu de la disparition des contrôles physiques aux frontières intérieures de la Communauté européenne à compter du 1er janvier 1993.

PARIS - Ce texte précise ainsi la notion de "trésors nationaux" qui est au centre du dispositif : "les biens appartenant aux collections publiques, les biens classés en appli­­ca­tion de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ou de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives ainsi que les autres biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie sont considérés comme trésors nationaux" (art 4). Ces biens ne peuvent quitter le territoire français (art 5), sauf autorisation d’exportation temporaire en vue "de restauration, d’expertise, de participation à une manifestation culturelle ou de dépôt dans une collection publique" (art. 10).

Le dispositif de contrôle français repose sur la délivrance d’un certificat établi par l’administration.
Principe : Pour des biens culturels limitativement désignés en fonction de leur nature et de leur valeur, les propriétaires qui en envisagent le transfert hors du territoire français doivent demander à l’administration un certificat qui atteste que l’objet n’est pas considéré comme un trésor national (au sens de l’article 36 du traité de Rome) et peut quitter librement le territoire.

Opérations concernées : exportations temporaires ou définitives hors du territoire douanier (c’est-à-dire vers la Communauté Européenne ou hors CEE).

Biens concernés : Il s’agit des "biens culturels" présentant un intérêt historique, artistique ou archéologique, et entrant dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’État" (Art 5). Le décret d’application (n° 93-124 du 29 janvier 1993) a calqué les catégories de biens culturels, et les seuils de valeur en dessous desquels le certificat de libre circulation n’est pas requis, sur le règlement communautaire n° 3911-92 du 9 décembre 1992 organisant l’exportation de biens culturels hors de l’Union européenne.

Principales catégories
En fonction de la valeur.
- quelle que soit la valeur :
archéologie et éléments de monuments de plus de cent ans, incunables et manuscrits, archives comportant des éléments de plus de 50 ans d’âge. Tous les biens de ces catégories sensibles sont soumis à certificat (toutefois des dérogations peuvent être accordées).
- plus de 15 000 Écus (soit environ 100 000 F) :
dessins, gravures, estampes, sérigraphies et lithographies originales, affiches originales.
- plus de 5 000 ÉCUS (soit environ 330 000 F) :
sculptures, livres de plus de cent ans d’âge, collections (botanique, minéralogie, ethnographie, numismatique..., objets d’antiquité (cette dernière catégorie regroupe les biens de plus de cent ans d’âge non compris dans les autres catégories, et les objets de cinquante à cent ans d’âge entrant dans une liste limitative de 13 types d’objets (verrerie, orfèvrerie, meubles et objets d’ameublement, tapis et tapisseries, armes etc.).
- plus de 150 000 Écus (soit environ 1 000 000 F) :
tableaux et peintures faits entièrement à la main sur tout support et en toutes matières.

En fonction de l’ancienneté.
À la seule exception des collections (catégorie 12), les différentes catégories d’objets font référence à une ancienneté minimum de cinquante ans. Pour les œuvres d’auteur (peintures, sculptures, photographies) il faut que l’œuvre ait plus de cinquante ans d’âge et n’appartienne pas à son auteur pour être soumise au certificat. (donc les œuvres d’art originales de moins de cinquante ans ou appartenant à leur auteur, peuvent circuler librement quelle que soit leur valeur.

Caractéristiques du certificat et procédure de délivrance :
La demande de certificat peut intervenir à tout moment, même si l’objet n’est pas en instance d’exportation ou d’expédition vers un État membre de l’Union européenne.
Les demandes de certificat sont déposées par le propriétaire ou son mandataire auprès des services concernés. Le délai de réponse de l’administration est de quatre mois à compter du dépôt de la demande. Si elle le juge nécessaire, l’administration peut se faire présenter l’objet.
Le certificat est valable cinq ans à compter de sa délivrance. Il atteste pour cinq ans que le bien n’est pas considéré comme trésor national en France. L’œuvre peut donc circuler librement à l’intérieur de la CEE et la licence d’exportation hors CEE (à partir de la France ou d’un autre État membre) lui sera accordée d’office pendant cette période.

Le refus de certificat cantonne l’objet en France pendant trois ans. Pendant ce délai, une nouvelle demande de certificat ne peut être introduite. Mais, après un délai de 3 ans, l’administration ne pourra rejeter une nouvelle demande de certificat, sauf si elle a déclaré l’objet trésor national en décidant son classement.
Si le certificat est demandé pour un bien culturel licitement importé depuis moins de cinquante ans, l’administration devra délivrer le certificat ou entreprendre immédiatement la procédure de classement (instance de classement).

Il faut rappeler que la loi du 31 décembre 1913 établissant la procédure de classement permet au propriétaire d’un objet classé sans son consentement d’obtenir l’indemnisation de la servitude occasionnée par le classement d’office.
Le refus de certificat ne peut intervenir qu’après avis motivé d’une commission, constituée de membres de l’administration (majoritaires) et de deux représentants des professionnels du marché. La décision de refus transmise au propriétaire (même si la demande émane d’un mandataire) devra être motivée.

Les conditions pratiques ont été précisées par un décret d’application (n° 93-124 du 29 janvier 1993) et un arrêté du ministre de la Culture du 29 janvier 1993 qui a défini les formulaires de demande de certificat.

Contrôle du certificat. Sanctions.
Le certificat doit être présenté à toute réquisition des agents des douanes à l’occasion de la sortie du territoire douanier (art.6). Cette présentation doit être faite aussi bien pour des exportations/expéditions définitives que temporaires.
Les sanctions pénales sont lourdes compte tenu de la difficulté des contrôles du fait de la disparition des contrôles physiques. La loi prévoit des sanctions sévères en cas d’infraction : emprisonnement de deux ans et amende de 3 millions de francs (art.13).

Les exportations hors CEE
Le certificat de libre circulation ou l’autorisation de sortie (dans le cas d’exportation temporaire d’un trésor national) doivent être présentés aux services des douanes.
Conformément au règlement européen sur les exportations de biens culturels (règlement communautaire n° 3911/92 du 9 décembre 1992 – JOCE L 395 du 31/12), l’obligation d’une licence subsiste pour les exportations hors CEE. Cette licence sera attribuée au vu du certificat de libre circulation.
Toutefois les œuvres qui entrent dans les catégories et seuils de valeur ne nécessitant pas de demande de certificat ne sont pas soumises à licence d’exportation. Pour ces biens, les exportateurs devront seulement présenter la déclaration douanière d’exportation (document administratif unique, DAU).

Adresses utiles :

Les formulaires de demandes de certificat (CERFA n°020075) peuvent être obtenus en particulier à la Direction des musées de France, Bureau du mouvement des œuvres et de l’inventaire, 6, rue des pyramides, 75001 Paris, tél : 40 15 34 66. Les formulaires de demande de licence d’exportation sont disponibles à la Direction des douanes Safico, 42, rue de Clichy 75009 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : Certificat de libre circulation : mode d’emploi

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