Espagne - Musée - Politique

Regards chez nos voisins

Espagne : la loi fonctionne

Par Roberta Bosco · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 1034 mots

La Ley de Museos du 25 juin 1985, en vigueur depuis le 10 avril 1987, a défini les lignes directrices de la politique des musées espagnols ; elle a également mis de l’ordre dans une situation plutôt confuse et dépourvue de règles établissant les diverses compétences, compte tenu des pressions croissantes exercées par les gouvernements des régions autonomes pour obtenir le contrôle complet.

MADRID - Six ans après l’approbation de la loi et l’application du règlement aux musées d’État, et même si elle est susceptible d’améliorations, la formule mise au point semble fonctionner. Selon les chiffres établis au 31 mars 1993, le Sistema Español de Museos (SEM) comporte 219 musées, si l’on y inclut les musées d’État, répartis en cinq catégories : 1) 21 musées d’État relevant de la compétence exclusive du ministère de la Culture ; 2) 80 musées d’État gérés par les Communautés autonomes ; 3) 42 musées d’État gérés par d’autres ministères ; 4) 44 musées d’État gérés par d’autres organismes officiels, dont ceux qui sont rattachés à la Maison royale et qui font partie du Patrimonio Nacional ; 5) enfin, 24 musées privés sous contrat avec le SEM. Les musées qui relèvent des deux premiers groupes dépendent économiquement du ministère de la Culture ; les autres bénéficient de subventions, mais se financent de manière autonome.

Le contrôle du Ministère de la Culture
Tous les musées d’État ont comme organisme de tutelle la Dirección de Museos Estatales qui se charge de coordonner le Sistema Español de Museos en appliquant la politique définie par la Direccion General de Bellas Artes y Archivios, qui dépend du ministère de la Culture. De cette façon, le ministère garde un contrôle et une influence assurés sur l’ensemble de la politique muséale, bien que les régions autonomes se chargent de la gestion et de la direction des principaux musées implantés sur leur territoire, au moyen de lois et de règlements divers selon la région. De plus, les plus importants musées privés du pays adhèrent au SEM : la Fundación Picasso de Malaga ; la Fundación Pilar i Joan Miró de Palma de Majorque ; le Museu Nacional d’Art de Catalogne, le musée Picasso, la Fundación Tapiès et la Fundación Miró de Barcelone. On étudie actuellement la demande d’adhésion du Théâtre-Musée Dali de Figueras. Tous les musées inscrits au SEM sont tenus de respecter le règlement et peuvent bénéficier de subventions ponctuelles pour résoudre des problèmes concrets – subventions auxquelles le ministère a réservé cette année la somme de 200 millions de pesetas (8 millions de francs). Les musées à gestion directe sont concentrés essentiellement dans la région de Madrid ; parmi eux la Maison du Greco et le Musée séfarade de Tolède, deux des plus visités de toute l’Espagne après le Prado et le Centro de Arte Reina Sofia, qui font bien partie de la même catégorie, mais disposent d’un règlement qui leur est propre.

Plus d’entrées gratuites dans les musées d’Etat
Dans l’histoire des musées, l’année 1994 restera celle où les Espagnols auront perdu le droit d’accéder gratuitement aux musées d’État, gratuité imposée par le Parti socialiste en décembre 1982 et étendue en 1986 aux étrangers résidents et aux ressortissants de la CEE de moins de 21 ans. Accusée de discrimination à l’égard des ressortissants européens obligés de payer leur entrée et menacée par les restrictions budgétaires imposées par la crise, l’Espagne a fini par changer de cap en prenant cette décision par ailleurs prévisible.

Pour se conformer aux règles de l’Union Européenne, le ministère de la Culture a fixé le prix d’entrée entre 300 et 400 pesetas (12 à 16 francs), ce qui se traduira par un revenu annuel minimal de 1 000 millions de pesetas, soit 40 millions de francs. Le ministre de la Culture, Madame Carmen Alborch, a affirmé que la mesure était bien accueillie par ses concitoyens et que l’on ne prévoyait pas une diminution de l’afflux du public. "Par expérience personnelle, je crois qu’un système de paiement comprenant un jour gratuit et des exemptions spéciales pour certains groupes sociaux ne barre nullement l’accès à la culture", a expliqué le ministre.

Les musées pourront choisir librement leur jour gratuit, mais devront se conformer aux règles nationales pour les réductions consenties aux enfants, aux étudiants et aux retraités. En Espagne, le Musée Thyssen est le seul musée d’État qui réussit à financer 42 % de son budget avec la vente des billets. Carmen Alborch a confirmé que, pour surmonter la crise, les musées devront rentabiliser au maximum leurs ressources "en accroissant l’efficacité, la rigueur et l’esprit de responsabilité dans leur gestion".

La politique muséale du ministère de la Culture
Le ministre ne prévoit pas d’introduire des changements drastiques ; bien qu’elle ait déjà annoncé que "les grands musées nationaux bénéficieront d’une plus grande autonomie dans la gestion de leurs ressources", elle ne paraît pas disposée à perdre le contrôle du Prado et du Centro Reina Sofia. Lorsque, à la stupéfaction générale, elle a accepté la démission de Felipe Garin pour nommer aussitôt à sa place Francisco Calvo Serraller, beaucoup ont tremblé pour le sort de Maria Corral, la directrice de Reina Sofia, mais la tempête s’est apaisée.

À ce sujet, des sources ministérielles nous ont déclaré que le ministre, sans être d’accord avec la gestion de Maria Corral, avait décidé de lui accorder "six mois pour faire ses preuves".

Récemment, Andrès Carretero, confirmé dans ses fonctions à la Dirección de Museos Estatales, a fait connaître les principaux objectifs de la politique des musées pour 1994 : 1) développer et faciliter la conservation des collections en améliorant le système et en embauchant du personnel technique qualifié ; 2) unifier la documentation pour normaliser les inventaires et faciliter l’élaboration des catalogues ; 3) améliorer l’infrastructure architecturale et celle des services internes des centres ; 4) adapter les salles pour faciliter une exposition correcte des œuvres en fonction de leurs caractéristiques ; 5) assurer la continuité et le suivi des projets de recherche ; 6) assouplir et faciliter le système de prêt pour les expositions temporaires ; 7) élaborer un programme de publications ; 8) enfin, développer et renforcer les cours de formation des personnels.

Le tout, évidemment, à condition que le budget le permette !

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : Espagne : la loi fonctionne

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