Incendie

Le Liceu, chronique d’une catastrophe annoncée

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 576 mots

Tout a brûlé. L’incendie n’a laissé que la façade de ce théâtre lyrique légendaire, mais le cercle qui jouxte l’édifice et le patrimoine artistique qu’il abritait ont pu être sauvés. Les institutions de tutelle se sont engagées à reconstruire le théâtre sur le même site.

BARCELONE - Jamais deux sans trois : le théâtre, construit en 1846 au cœur de Barcelone, est une première fois détruit en partie par un incendie en 1861 et immédiatement reconstruit. Il brûle à nouveau en 1893, après l’explosion de bombes anarchistes qui tuèrent 20 personnes et firent d’importants dégâts. 133 ans après ce premier incendie, il n’aura fallu qu’une étincelle pour provoquer ce que les assureurs appellent un "sinistre total". Le maire Pasquall Maragall, le président de la Généralité Jordi Pujol et le ministre de la Culture, Carmen Alborch, n’ont pas voulu désigner de coupables, mais leurs administrations ont toutes leur part de responsabilité. L’insuffisance des mesures de sécurité n’était un secret pour personne : la situation était assez préoccupante pour justifier la présence d’une escouade de pompiers à chaque représentation.

En 1991, l’architecte Sola Morales avait remis un rapport dénonçant "un potentiel d’incendie très important, une capacité de réponse très limitée, liée à la disposition de l’escalier disposé en angle par rapport à la porte d’entrée, l’absence de système de détection de fumées, et des issues de secours peu nombreuses et difficiles d’accès". Le directeur du musée, Josep Caminal, a insisté sur la nécessité de débloquer 1 milliard de pesetas (40 millions de francs) pour améliorer la sécurité. Or le projet de rénovation du Liceu, qui prévoyait l’agrandissement du théâtre – et pour ce faire l’expropriation des immeubles voisins –, faisait l’objet de controverses entre le consortium gestionnaire et les propriétaires, héritiers de ces familles de la bourgeoisie éclairée qui avaient contribué à sa construction, en réaction à l’aristocratique Teatre de la Santa Creu.

En 1992 un programme réduit de travaux concernant la scène et le foyer avait été établi, et devait être mis à exécution à partir de juin 1995. Le coût des travaux était pris en charge par le ministère de la Culture (37,5%), la Généralité (32,5%), la municipalité (20%) et la Diputacion (10%). Ces administrations, qui font partie du consortium du Liceu, se sont maintenant engagées "à reconstruire immédiatement le Liceu, au même endroit (sur les Ramblas) et dans le même style, mais avec des techniques modernes et des éléments fonctionnels".

Le Cercle du Liceu et son patrimoine artistique
L’incendie a détruit les instruments de l’orchestre et une importante collection d’instruments du XVIIIe siècle. Les pompiers ont réussi à préserver la salle des miroirs et le patrimoine artistique unique du Cercle.

Cristina Mendoza, directrice du Museu d’Art Modern s’est vu confier 84 peintures et dessins, ainsi que 33 sculptures de la collection du Cercle. Elle a annoncé qu’elle organiserait une exposition de ces œuvres peu connues, entre autres douze toiles de Ramon Casas illustrant les différents genres de musique savante et populaire, ainsi que des toiles des plus grands artistes catalans contemporains : Rusinol, Masriera, Brull, Miralles, Ribera, Urgell, Cusach, Canals.

Les responsables culturels, de nombreux artistes, des centaines de mélomanes, multiplient les initiatives en faveur de la reconstruction. La Communauté européenne contribuera elle aussi à la réédification du théâtre, un des cinq grands temples de l’art lyrique européen. Dans le meilleur des cas, a déclaré l’architecte Sola Morales, le Liceu pourra être reconstruit en 1997 et inauguré à l’occasion du 150e anniversaire de sa création.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : Le Liceu, chronique d’une catastrophe annoncée

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