Polémique

Monet is money

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2010 - 577 mots

Le Musée Marmottan a envoyé onze œuvres pour l’exposition Monet à la galerie Gagosian, après avoir refusé de prêter des œuvres au Musée d'Orsay.

PARIS, NEW YORK - L’exposition d’œuvres tardives de Claude Monet organisée jusqu’au 26 juin par la galerie Gagosian dans l’un de ses espaces gigantesques de Chelsea, à New York, surprend à plus d’un titre. Tout d’abord, on s’étonne que l’accrochage aligne onze toiles prêtées par le Musée Marmottan (Paris). Il est rare sinon impensable qu’un musée prête autant de pièces à un espace commercial privé. Gagosian a visiblement le bras long. Il avait déjà réussi à obtenir en 1993 pour son exposition Giacometti le prêt d’une Grande figure de Giacometti datée de 1946 par le Metropolitan Museum of Art (New York) ainsi que celui d’une Femme qui marche par le Musée de Baltimore. « Le Musée Marmottan était très excité à l’idée d’exposer l’artiste à l’audience plus contemporaine que nous pouvons apporter. Monet a longtemps été réduit à l’impressionnisme alors qu’il est aussi un artiste du XXe siècle », explique-t-on chez Gagosian. 

Cette réhabilitation n’est sans doute pas la raison première du prêt validé par la commission administrative de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France. « M. Gagosian nous a offert un généreux mécénat, indique Marie-Catherine Croix, adjointe au directeur du musée. Nous sommes un petit musée, nous avons besoin d’entretiens, de travaux. Ce prêt n’a pas été demandé par Larry Gagosian mais par Paul Tucker, le commissaire de l’exposition. Ce dernier a été notre intermédiaire et la caution [du projet]. Les tableaux qu’ils nous demandaient étaient disponibles, la restauratrice du musée a accompagné les pièces pour l’accrochage à New York et s’est assurée du sérieux. »  

« Pas déontologique »
Le musée refuse néanmoins de communiquer le montant du « généreux mécénat » de Larry Gagosian. Qu’un tel prêt soit monnayé ne serait pas choquant si l’institution n’avait pas refusé de se séparer de certaines œuvres, notamment l’iconique Impression, soleil levant, pour la rétrospective « Monet » que prépare le Musée d’Orsay au Grand Palais en septembre. « Nous ne prêtons pas à Orsay, car nous avons simultanément une exposition «Monet son musée, le Musée Marmottan-Monet», dans laquelle nous présentons cent quarante œuvres », se défend Marie-Catherine Croix. D’après Guy Cogeval, directeur du Musée d’Orsay, Marmottan se serait empressé d’organiser une exposition dans l’objectif de ne pas prêter d’œuvres. « Je ne m’attendais pas à ce qu’ils ne nous prêtent rien. Nous leur avions pourtant prêté cinq tableaux pour leur exposition «L’œil impressionniste» voilà deux ans, précise Cogeval. Nous avons réussi à compenser en obtenant des œuvres que personne n’avait jamais vues à Paris. » Et d’ajouter : « Je ne trouve pas que ce soit franchement déontologique. »

Abstraction faite du troc dont les œuvres de Marmottan ont pu faire l’objet, le principe même d’une exposition Monet dans la galerie de Jeff Koons, Takashi Murakami et Damien Hirst laisse songeur. Celle-ci est certes coutumière d’expositions muséales d’envergure, consacrées à des artistes comme Picasso ou Piero Manzoni, confiées souvent aux bons soins de curateurs universitaires réputés. Mais le curseur temporel n’avait jamais été placé aussi loin. « Les collectionneurs qui n’ont pas l’habitude d’aller dans les réserves se rendent compte que nous sommes aussi sérieux dans le domaine de l’art moderne, confie-t-on chez Gagosian. Les institutions veulent élargir leur public et nous aussi. »

Claude Monet, Late Work, jusqu’au 26 juin, Gagosian Gallery, 522 West 21 st Street, New York, www.gagosian.com.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°328 du 25 juin 2010, avec le titre suivant : Monet is money

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