Musée

Le pari gagnant du Quai Branly

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2010 - 989 mots

PARIS

Alors que le musée des cultures du monde devance le Centre Pompidou, un quatuor régional talonne les grands établissements parisiens.

Hiérarchie bousculée cette année avec le jeune Musée du quai Branly (Paris) qui prend la tête de ce 7e palmarès des musées. Avec 16 points d’avance, il détrône le Musée national d’art moderne (Paris), affecté par la grève de l’automne 2009. Outre cette conjoncture défavorable, conséquence directe de la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le Centre Pompidou a péché par sa politique d’accueil : les aides à la visite (audioguide et téléchargement multimédia) ne sont pas incluses dans le prix d’entrée. Tel n’est pas le cas au Quai Branly. Quatre ans après son ouverture, la fréquentation continue à progresser avec une hausse de 7,6 % cette année. Le musée offre 18 journées de gratuité par an à son public, lequel peut, par ailleurs, visiter l’intégralité de ses espaces d’exposition. Sur ce point, le Louvre est évidemment pénalisé, l’ampleur de ses collections et de sa superficie ne lui permettant pas d’ouvrir toutes ses salles – 90 % d’entre elles sont accessibles aux visiteurs. Ses atouts et ses moyens auraient dû permettre au Louvre de monter sur la première marche du podium. Cette décevante 3e place est à attribuer, notamment, à son tarif prohibitif (9,50 euros) qui n’inclut pas d’audioguide.

La surprise nous vient cette année d’un musée municipal : le Musée des beaux-arts de Lyon se hisse en effet à la 4e place du palmarès, à un point seulement derrière le Louvre. Il devance le Musée des arts décoratifs de Paris et le Musée national des arts asiatiques – Guimet (Paris). Bonne élève en tout point, l’institution lyonnaise a su multiplier les expositions temporaires susceptibles d’attirer un public varié, ce qui lui a valu une augmentation nette du nombre annuel de ses visiteurs (300 000 contre 260 000 en 2008). Rénové dans les années 1990, le musée est aujourd’hui dégagé des contraintes budgétaires d’investissement et peut se concentrer sur sa programmation culturelle et scientifique. Il a su par ailleurs se distinguer à travers une politique d’acquisition volontariste. Autre musée municipal damant le pion aux établissements parisiens, le Musée des beaux-arts de Rouen gagne deux places pour atteindre la 7e position devant le Musée d’Orsay. Le musée parisien consacré au XIXe siècle est ainsi rétrogradé de la 5e à la 8e position en raison de prestations d’accueil peu satisfaisantes (il occupe la 43e place du sous-classement dévolu à l’« Accueil »). Sa note est pénalisée par la faiblesse de l’accompagnement pédagogique. Jugées obsolètes, les fiches explicatives mobiles, pourtant appréciées des visiteurs, ont été retirées des salles au profit de grands panneaux didactiques, ce qui lui fait perdre 14 points. En revanche, contrairement à certains de ses confrères parisiens avares en la matière, il a su se montrer généreux dans sa politique de prêts aux musées régionaux.

Le Musée des arts décoratifs parvient une fois encore à tirer son épingle du jeu ; il gagne une place en arrivant cinquième avec 450 000 visiteurs annuels attirés par la variété et l’originalité de ses expositions temporaires. Sans oublier un nombre considérable de prêts octroyés en 2009 : l’institution s’est séparée temporairement de plus de 4 300 pièces de sa collection, soit près de 1 000 numéros de plus que le Louvre. Organisme associatif, le musée est la preuve que le statut administratif n’est pas nécessairement le garant de la réussite. En témoignent les performances relatives du Musée Guimet qui perd 2 points et se voit rétrogradé au 6e rang. Il a souffert d’une érosion de sa fréquentation, enregistrant seulement 211 900 visiteurs annuels contre 323 274 l’année précédente. Ce chiffre est équivalent à celui du Musée national du Moyen Âge – Thermes de Cluny (314 557 visiteurs), lequel, en revanche, a quasiment atteint son seuil maximal de fréquentation étant donné l’exiguïté de ses espaces. 

Strasbourg et Angers 
Le « top ten » est bouclé par deux autres musées municipaux inattendus : le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg et le Musée des beaux-arts d’Angers. L’institution strasbourgeoise, qui n’ouvrait que 85 % de ses espaces l’an passé, est à présent entièrement accessible et a enregistré 5,2 % de visiteurs supplémentaires. Le Musée d’Angers a, quant à lui, progressé dans tous les domaines, que ce soit l’« Accueil des publics » (avec des fiches en langues étrangères et des audioguides compris dans le tarif), la « Conservation » (un récolement en 2008) ou le « Dynamisme » – sa fréquentation a fait un bond de 14 %, passant de 70 000 à 80 000 visiteurs. D’autres musées se distinguent cette année, comme le Musée de Roubaix, salué pour son dynamisme (il est 5e dans ce sous-classement), le Musée de Nantes, très actif dans le domaine de la conservation, ou le Musée Fabre, à Montpellier, dont le dispositif d’accueil est particulièrement efficace. Autant d’établissements dont l’excellence conforte les collectivités ayant su investir fortement dans leurs musées. Reste aujourd’hui à pérenniser ces atouts en poursuivant le développement d’une véritable politique de service public de la culture.

Méthodologie

Cette enquête a été réalisée de mars à avril 2010, via un questionnaire adressé à 600 musées (de beaux-arts, d’archéologie et d’histoire nationale). Parmi ces institutions, quelque 350 ont répondu. Le croisement des réponses a permis de réaliser trois sous-classements au palmarès général : « Accueil des publics » ; « Dynamisme » et « Conservation ». Les informations non communiquées n’ont pu être prises en compte et affectent la notation globale. Les musées fermés au public (le plus souvent pour travaux) sont absents de ce palmarès. Les résultats reposent sur 69 critères d’évaluation, auxquels a été attribué un coefficient allant de 1 à 3. Les réponses oui/non sont notées de 5 à 15 points selon leur importance. Les questions quantitatives sont notées de 1 à 15, selon la méthode des quintiles, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre petites et grandes structures.

Mieux accueillir le public

Tous les moyens pour améliorer l’offre aux publics ont-ils été exploités par les musées français ? Les données collectées dans le cadre de notre enquête dénotent un certain nombre de faiblesses qui pourraient être compensées sans engager des dépenses trop lourdes. Ainsi, 40 % des musées ne proposent même pas de plan de visite gratuit, outil simple et peu onéreux à concrétiser. Autre point faible (même si on note une légère amélioration par rapport à l’an dernier), la mauvaise visibilité des musées sur Internet, puisque seulement 58 % d’entre eux sont dotés d’un site digne de ce nom. Ce dernier représente pourtant un élément d’aide ou d’incitation à la visite non négligeable. Par ailleurs, même s’il s’agit d’un équipement plus coûteux à mettre en place, seuls 33 % des musées disposent d’un auditorium. Une situation pour le moins surprenante à l’heure où le nombre de participants aux conférences augmente régulièrement. Il a ainsi atteint 685 000 personnes en 2009, contre 620 000 un an auparavant. Cette demande est d’autant plus importante à satisfaire qu’elle pourrait aider à enrayer l’érosion du nombre d’abonnés au musée qui a chuté de 16 % en 2009. Le plus inquiétant demeure toutefois la faible fréquentation du public scolaire : sur un effectif de près de 12 millions d’enfants scolarisés (de la maternelle au lycée), les musées sondés déclarent en avoir accueillis au total 6 millions. La moitié d’entre eux (davantage peut-être si l’on considère que des classes y vont plus d’une fois dans l’année) n’auraient donc pas mis les pieds au musée au cours de l’année ! Par ailleurs, cette fréquentation est en baisse : le public scolaire représente 14 % de visiteurs en 2009, contre 21 % l’année passée. Le phénomène risque de s’accentuer car de nombreuses communes rechignent à assumer le coût de transport inhérent à la sortie au musée. Pourtant, ces institutions ont un rôle majeur à jouer en matière d’éducation artistique, mission négligée par l’Éducation nationale.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°328 du 25 juin 2010, avec le titre suivant : Le pari gagnant du Quai Branly

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