Musée

Compiègne

L’automobile sur la voie de garage

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2010 - 752 mots

COMPIÈGNE

Moribond, le Musée de l’automobile pourrait renaître dans les grandes écuries du château… que l’État veut vendre.

COMPIÈGNE -  Alors que la politique de cession immobilière de l’État vient d’être relancée, le château de Compiègne (Oise) regarde désespérément en direction d’un bâtiment ayant appartenu à ses dépendances mais affiché à la vente depuis plusieurs mois. Construites sous Louis XV, les grandes écuries du roi se cherchent en effet un avenir. Les bâtiments avaient jusqu’à présent conservé leur vocation équestre et accueillaient, depuis 1876, les Haras nationaux. Or, révision générale des politiques publiques (RGPP) oblige, l’établissement public qui se consacre à la promotion et au développement de l’élevage des équidés n’est pas épargné par les restructurations. Fin 2008, la décision a donc été prise par le ministère de l’Agriculture, tutelle de l’établissement, de fermer le site de Compiègne et de vendre le bâtiment, entièrement classé monument historique. Il a alors été estimé par le service des domaines entre 4 et 5 millions d’euros. Soit une coquette somme à laquelle il faudra ajouter de lourds travaux de restauration. D’où, probablement, l’absence d’acquéreur déclaré à ce jour.

Pour le palais de Compiègne, il s’agit là d’une formidable opportunité foncière. Il pourra ainsi reconstituer son domaine et gagner des espaces pour développer son Musée national de la voiture et du tourisme, qui sombre lentement dans l’oubli. 

Né du projet d’amateurs réunis autour du Touring Club de France, le musée a ouvert ses portes en 1927. Le palais étant, à cette époque, déjà amputé de ses dépendances, les collections, qui présentent le transport terrestre dans tous ses états du XVIIIe au XXe siècle, sont logées dans les seuls espaces disponibles, le secteur de bouche et sa cour, alors couverte d’une verrière. Y sont conservés notamment quelques fleurons de l’histoire automobile, comme La Mancelle conçue par Amédée Bollée (1878) ou La Jamais Contente de Camille Jenatzy (1899). Mais en 2001, des désordres dans la verrière de la cour obligent à une fermeture de cet espace. Depuis dix ans, le public est donc privé de ces 900 mètres carrés d’exposition abritant la part la plus importante de la collection, dont des voitures hippomobiles datant parfois du XVIIIe siècle et encore dotées de leurs garnitures anciennes, entassées sans aucun contrôle d’hygrométrie et de température. 

Muséographie surannée
À la direction des Musées de France, nul n’ignore la situation, évoquée dans un rapport commandé en 2005 au cabinet Farman & Partners – document axé sur le potentiel de développement de Compiègne et Fontainebleau (1) –, mais aussi dans une étude rendue en 2007 par Rodolphe Rapetti, alors adjoint au directeur des Musées de France. Plusieurs pages de ce document consacré au patrimoine automobile traitent du Musée de la voiture de Compiègne. « On pourrait dire qu’à certains égards ce musée est parfaitement représentatif de la situation française relativement au patrimoine automobile, écrivait alors le rapporteur. À la richesse exceptionnelle de sa collection, l’une des plus réputées au monde, correspond hélas une muséographie surannée et une présentation qui rend perceptible le manque de moyens : éclairage déficient, cartels difficilement lisibles, scénographie rudimentaire, accompagnement pédagogique quasi inexistant, absence d’événements temporaires. » Rodolphe Rapetti y consignait aussi les conditions désatreuses de conservation des pièces. Mais sa conclusion concernant l’avenir du musée se limitait à envisager une présentation par roulement des collections.

Emmanuel Starcky, directeur du château depuis 2005, souhaiterait quant à lui donner une autre ampleur à un musée qui attire, malgré son état déplorable, un tiers des 100 000 visiteurs du château. Deux scénarios sont envisagés : une installation dans les grandes écuries ou, à défaut, dans des locaux proches, qui ne seront toutefois libérés qu’en 2012 par l’École d’État-Major. Cette option d’une extension foncière permettrait par ailleurs au château de récupérer le quartier de bouche et d’étoffer son offre de visite en y dédiant des espaces muséographiques à la vie quotidienne. 

Si la piste des grandes écuries semble la plus cohérente avec l’histoire des lieux, la Ville de Compiègne, qui souhaiterait y maintenir une activité équestre, fait de la résistance. Mais la décision appartient à l’État, propriétaire des haras et du musée. Or le projet télescope celui de la très politique « Maison de l’histoire de France », qui souhaiterait cantonner Compiègne au Second Empire, un petit musée y étant déjà consacré à cette période. Au risque de laisser périr un patrimoine automobile unique et d’accentuer le hiatus existant entre le monde des amateurs de l’automobile et le ministère de la Culture.

(1) lire le JdA no 238, 26 mai 2006, p. 6.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°328 du 25 juin 2010, avec le titre suivant : L’automobile sur la voie de garage

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