Fondation

Giorgio de Chirico : les richesses de la Fondation

Par Mario Ursino · Le Journal des Arts

Le 1 mai 1994 - 698 mots

L’héritage de la veuve du peintre, Isabella Pakszwer, comprend des centaines de toiles, de sculptures, de dessins, de gravures, de répliques des années trente, et couvre toute la production de l’artiste, à l’exception de la période métaphysique.

ROME - "Je, soussignée, Isabella Pakszwer, en pleine possession de mes facultés mentales, désigne et constitue héritière universelle de mes biens la Fondation Giorgio et Isa De Chirico." C’est en ces termes qu’est rédigé le testament holographe de 1986. Mais en dépit de sa prévoyance, Isabella, que l’artiste considérait comme "la personne la plus intelligente que j’aie rencontrée dans ma vie", a sous-estimé les difficultés inhérentes à la création d’un musée qui porterait le nom de son illustre mari. Le patrimoine de la Fondation Giorgio et Isa De Chirico est encore peu connu et un répertoire détaillé reste à établir.

La collection a été présentée au public à partir de 1987, année de la donation de 24 toiles à la Galleria Nazionale de Rome. En 1988, le Musée Correr de Venise a montré des œuvres peu ou pas connues, conservées dans l’atelier du peintre. Ce n’est que grâce à l’étude de cet ensemble considérable, destiné à un musée qu’il serait souhaitable de créer, que l’œuvre de Giorgio De Chirico pourra être étudiée comme elle le mérite.
 
Selon l’inventaire effectué en novembre 1990, l’atelier renfermait plusieurs centaines de toiles, des sculptures, des lithographies, des gravures et des bijoux de bronze et d’argent. De Chirico avait fait un accrochage heureux de ses toiles, dans un décor un peu vétuste mais luxueux, encombré de tentures, tel qu’on le voit dans les peintures "baroques", comme les autoportraits, les natures mortes ou les scènes d’intérieur. Pour des raisons de sécurité, les toiles ont été confiées à une banque .

La Fondation De Chirico a donc décidé, au début de l’année 1991, le dépôt à la Galleria Nazionale de Rome, pour un temps indéterminé, de 25 tableaux et de 5 sculptures. La direction du musée s’est engagée à réserver quelques salles aux toiles de De Chirico et à exposer ces nouvelles acquisitions.

Des œuvres de la période des années trente à soixante
À l’exception de la période métaphysique, la Fondation De Chirico possède des témoignages représentatifs de presque toute la production du peintre.

Des années trente, elle conserve des portraits d’Isa, dont Portrait d’Isa en rose et noir de 1934, et des autoportraits de petit format. Pour les années quarante, elle dispose de paysages, surtout urbains (Rome, Florence, Gênes, Venise et Paris), de natures mortes ou "vies silencieuses", avec des fruits sur fond de paysage, à la manière de Courbet (Nature morte avec paysage champêtre, 1943 ; Nature morte avec paysage rocheux, 1942) et d’une série de toiles, esquisses et dessins souvent repris de Rubens, dont La Jeune Fille en pleurs, 1947 et La Chute de Phaéton, 1954.

De Chirico poursuit alors des recherches dans un style à la fois grave et fastueux. Sa palette s’épaissit et devient plus brillante. Sa peinture est dite "baroque". Il se représente en costumes somptueux du XVIIe siècle, comme le montre l’Autoportrait dans un parc, de 1959.

Les chevaux deviennent des apparitions fantastiques, peintes "à la Renoir". Les natures mortes alternent avec la peinture d’événements historiques (Le Débarquement d’Alexandre, 1962) ou les scènes mythologiques (Hippolyte et ses compagnons, 1963 ; Les Trois Grâces, 1954 ; Castor et un cheval blanc, 1954).

La période néo-métaphysique
La collection comprend nombre de répliques de la période métaphysique, Archéologues, Masques, Place d’Italie, Muses inquiétantes ou Meubles dans la vallée, d’un grand intérêt documentaire, ainsi que de nouveaux thèmes, comme les Bains mystérieux et les Intérieurs métaphysiques. Cette production se poursuit jusque vers 1975 environ, De Chirico meurt en 1978.

Dans d’autres peintures fantaisistes, des soleils et des lunes, brillants ou éteints, sont suspendus à un fil, soit à l’horizon, en plein air, soit à l’intérieur d’une pièce (Offrande au soleil, 1968 ; Soleil et lune dans un intérieur métaphysique, 1971). Ce sont autant des variantes picturales de la célèbre série de gravures réalisée pour illustrer le poème d’Apollinaire, Calligrammes, en 1930 :
Au-dessus de Paris un jour
Combattaient deux grands avions
L’un était rouge et l’autre noir
Tandis qu’au zénith flamboyait
L’éternel avion solaire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Giorgio de Chirico : les richesses de la Fondation

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