Design

L’air de rien

Ventilation

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2010 - 564 mots

L’objet est indubitablement l’un des plus énigmatiques du moment. Une sorte de gros point d’interrogation dans l’air ambiant. Ainsi s’affiche le ventilateur de table Air Multiplier (1), la nouvelle trouvaille du célèbre inventeur de l’aspirateur sans sac, James Dyson, 63 ans, entrepreneur anglais diplômé du Royal College of Art de Londres et qui, depuis une vingtaine d’années, fait office de Monsieur Moins dans le royaume de l’électroménager.

Tout comme il avait, jadis, bouté l’antédiluvien sac à poussière hors de l’aspirateur, il vient cette fois couper les ailes au non moins antédiluvien ventilateur. La métamorphose est étourdissante. Visuellement, l’impression en est même déroutante, car, en lieu et place des traditionnelles pales à rotation rapide, gît aujourd’hui un… vide sidérant. Il faut donc chasser le souvenir de ces lames qui bourdonnaient en un rythme régulier et mécanique pour pouvoir jauger cet engin inédit.

La forme de l’Air Multiplier ou "multiplicateur d’air" est très simple. Un anneau, baptisé "déflecteur ou rampe aérodynamique", est posé sur une base cylindrique, le "support" dissimulant le moteur. Hauteur sous la toise : 30 centimètres. "Restyliser est plus facile qu’inventer et améliorer, estime James Dyson. [Nos] ingénieurs attaquent toujours un problème en son centre, avant d’évoluer vers la surface. C’est pourquoi nos appareils ont un aspect qui traduit leur mode de fonctionnement." La technologie, elle, est assurément innovante et son principe plutôt astucieux. L’air s’introduit d’abord par la surface perforée qui ceinture le support du ventilateur – jusqu’à 27 litres d’air aspirés à la seconde. Celui-ci passe ensuite à travers un "propulseur à flux combiné", également intégré dans le support, lequel l’accélère et l’envoie à travers une minuscule ouverture sur la fameuse "rampe aérodynamique", autrement dit l’énigmatique anneau. Cette accélération crée un jet d’air circulaire dirigé vers ladite rampe qui est inclinée à 16 degrés, ce qui permet à la fois de générer un flux d’air dont la rapidité et le volume sont maximaux, et d’orienter sa diffusion. Mieux : l’air environnant – celui derrière le ventilateur (air induit) et celui devant (air entraîné) – est aspiré par le flux créé par le ventilateur, multipliant ainsi par… quinze le souffle d’air globalement projeté. Une prouesse !

Souffle continu
Principal avantage : cette absence de pales. D’un côté, plus de risques de "tranchage" intempestif de doigts, ou pis… De l’autre, contrairement aux pales des ventilateurs conventionnels qui "hachent" l’air et génèrent un flux discontinu, l’Air Multiplier, lui, envoie un souffle continu, sensation bien plus agréable, d’autant que la puissance dudit souffle peut être réglée grâce à un variateur d’intensité. Bref, une avancée indéniable. Reste que, si la bataille fait rage aujourd’hui encore entre les "pour" et les "contre" l’aspirateur sans sac à poussière, celle entre les pour et les contre le ventilateur sans pales risque fort de tourner à l’avantage des premiers, tant l’objet arbore de qualités. Sauf si ledit duel se déroule sur le terrain de la couleur où un changement étonnant a eu lieu : autant l’aspirateur était joyeux (jaune, mauve, bleu électrique, rouge pompier…), autant le ventilateur, lui, rentre dans le rang, optant pour un habillage d’une sobriété peu commune pour la marque avec ses deux versions blanc/argent et argent/gris métal. L’homme aux 564 brevets – dixit le moindre catalogue Dyson – n’est pas à un pied de nez près.

(1) Ventilateur Dyson Air Multiplier, avec système de rotation à 180° et système de balancier pour l’incliner. Prix : 299 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : L’air de rien

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