Têtes couronnées

Lumière sur Marie-Louise

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2010 - 718 mots

La seconde épouse de Napoléon Ier fait l’objet d’une exposition inédite à Compiègne.

COMPIÈGNE (OISE) - Malgré son titre enjôleur, cette nouvelle exposition n’a rien d’un sujet pour midinette. Les esprits chagrins pourraient même y lire un rappel opportun du fait que le palais impérial de Compiègne a bien été celui des deux empereurs, Napoléon Ier et Napoléon III, alors que le projet de Maison de l’histoire de France aimerait cantonner les lieux au second, auquel un petit musée est déjà consacré in situ…Car, en 1807, l’ancien château de Louis XV a été remis en état et aménagé dans le style Empire, sous la direction de l’architecte Louis-Martin Berthault, pour une occasion bien précise : l’arrivée de la nouvelle épouse de Napoléon Ier, Marie-Louise, mariée à l’empereur par procuration à Vienne le 11 mars 1810. À l’occasion du bicentenaire de cette union, l’exposition évoque le récit du mariage et éclaire la personnalité de cette impératrice mal connue, restée dans l’ombre de sa prédécesseur Joséphine de Beauharnais.

Décidé très rapidement en 1809, le mariage avec la très jeune Autrichienne, fille de l’empereur François Ier, répond alors à deux objectifs. D’une part, il s’agit de renverser les alliances en pactisant avec l’ennemi de toujours, l’Autriche, défaite à Wagram – la scène historique est évoquée, ici, par le remarquable tableau d’Adolphe-Eugène Roehn, Bivouac de Napoléon Ier sur le champ de bataille de Wagram, dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809 (1810, Versailles, Musée national du château). D’autre part, de faire naître l’héritier que Joséphine n’avait pas su donner à Napoléon et qu’il s’était finalement résigné à répudier. Le roi de Rome, le premier fils légitime de l’empereur, naîtra dès 1811. Cette courte page de l’histoire est restée peu documentée et la plupart des objets encore conservés ayant appartenu à Marie-Louise sont aujourd’hui la propriété d’un petit musée privé de Parme, ville où elle mourut. Hélène Meyer, conservatrice au palais de Compiègne et chef d’orchestre de cette exposition, est donc partie en chasse des traces de l’impératrice, exhumant notamment archives, objets et pièces de mobilier des réserves de Compiègne.

Entourée d’œuvres d’art
Le parcours, alliant savamment art et histoire, évoque les circonstances du mariage, influencé par Talleyrand, présent ici sous le pinceau de Prud’hon (1808-1814, Paris, Musée Carnavalet), tableau issu de la galerie des ministres installée à l’origine dans la salle des gardes du château (ensemble aujourd’hui dispersé). Suit le récit de la venue de Marie-Louise et l’empressement de l’empereur, épistolier passionné malgré une graphie hésitante ("Si je m’écoutais je partirais à franc-étrier et je serais à vos pieds avant que l’on ne sût que j’ai quitté Paris"), à consommer son mariage. Autant d’événements confirmés par le journal de bord de Méneval, l’un de ses plus proches collaborateurs, document encore en mains privées et présenté ici de manière inédite. Le mariage aura lieu quelques jours plus tard à Saint-Cloud puis au Louvre, comme le rappelle un très beau dessin panoramique, projet pour un décor de vase nuptial (disparu) de Benjamin Zix, qui figure le cortège traversant la grande galerie du Louvre au milieu de nombreux tableaux qui seront restitués en 1815 (Paris, Musée du Louvre).

Souvenirs de son aïeule, Marie-Antoinette ? Marie-Louise eut du mal à s’imposer à la cour, son physique faisant l’objet de railleries malgré les images séduisantes – et flatteuses ? – laissées par le baron Gérard (Portrait en buste de l’impératrice Marie-Louise, Paris, Musée du Louvre). Artiste amateur bénéficiant des conseils de Prud’hon, elle aimait les arts, dont elle sut s’entourer. Elle se rendit notamment au Salon de 1810 où elle put apprécier, au milieu des allégories à la gloire de l’empereur, le préromantisme de L’Aurore et Céphale de Guérin (1810, Paris, Musée du Louvre). Elle fit aussi aménager une galerie de tableaux à l’entrée de ses appartements compiégnois, évoquée ici par des œuvres du Dominiquin, de Bol ou Patel… mais aussi par la sculpture de Psyché et l’Amour de Canova, conservée à Compiègne jusqu’en 1822, qui fait ici un retour temporaire exceptionnel grâce à un prêt du Louvre.

1810, LA POLITIQUE DE L’AMOUR. NAPOLÉON IER ET MARIE-LOUISE À COMPIÈGNE, jusqu’au 19 juillet, Musée national du palais impérial de Compiègne, place du Général-de-Gaulle, 60200 Compiègne, tél. 03 44 38 47 00, www.musee-chateau-compiegne.fr, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue, éd. RMN, 208 p., 200 ill., 45 euros, ISBN 978-2-7118-5702-9

La politique de l’amour

Commissaires : Hélène Meyer, conservatrice au palais de Compiègne ; Anne Dion-Tennebaum, conservatrice en chef au département des Objets d’art du Musée du Louvre ; Emmanuel Starcky, directeur du palais de Compiègne ; David Mandrella, historien d’art
Nombre d’œuvres : 224
Scénographie : ateliers de Ricou

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : Lumière sur Marie-Louise

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