Mécénat

Les arts plastiques résistent à la crise

Ils conservent leur deuxième place

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 777 mots

La conjoncture actuelle favorise le mécénat humanitaire. Celui-ci progresse, mais sans porter vraiment préjudice au mécénat culturel, qui tire profit de son antériorité.

PARIS - "Épreuves et preuves" : en faisant de ce jeu de mots le thème-titre de ses Assises, qui se tiennent traditionnellement en juin, l’ADMICAL (1), association des entreprises pour le mécénat, souligne l’équivoque de la situation actuelle. Épreuves, parce que la conjoncture difficile aurait pu soit freiner le développement du mécénat, soit l’éloigner de ses bases culturelles pour l’orienter vers l’action sociale ou humanitaire ; preuves, parce que, tous comptes faits, il aurait plutôt bien traversé la tourmente.

En fait, les données annuelles rassemblées par l’ADMICAL confirment que le mécénat culturel a bien résisté, et qu’au sein de celui-ci, les arts plastiques conservent, derrière la musique, leur confortable deuxième rang.

L’Impressionnisme sans mécène
Du côté des arts plastiques, le tableau avait pourtant paru s’assombrir ces derniers mois. Le monde des grands mécènes étant relativement limité, quelques jets d’éponge ont pris dans ce Landerneau un relief particulier, telles les décisions de la Caisse des dépôts ou de la BNP de ne plus enrichir les collections qu’elles avaient patiemment rassemblées. De même, l’indifférence des mécènes à l’égard de l’actuelle exposition de la Réunion des musées nationaux sur les origines de l’impressionnisme – thème pourtant grand public – a plus que surpris.

"Ce sont des problèmes budgétaires liés à la conjoncture", dit-on à la Caisse des dépôts, qui compte mettre sa collection en dépôt dans un musée. Mais un autre facteur a été déterminant dans ce revirement : le remplacement de Robert Lion par Philippe Lagayette à la tête de l’institution financière. Amateur d’art, Robert Lion avait mis en œuvre la politique d’achats. Son successeur ne renonce pas au mécénat – il continue notamment à faire vivre le Théâtre des Champs-Élysées et à aider des festivals – mais il a mis fin à l’engagement de la Caisse dans l’art contemporain. La Caisse avait consacré à sa collection 3,5 millions de francs par an en 1990, 1991 et 1992, et n’avait prévu en 1993, la première année de la gestion de Philippe Lagayette, que 1 million de francs, qui n’ont finalement pas été utilisés.

Ce changement de politique, lié à un changement d’hommes, n’est cependant pas la règle. Jacques Friedmann, nouveau président de l’UAP, n’a pas remis en question le soutien du groupe d’assurances au Jeu de Paume.
Le mécénat humanitaire n’emporte pas tout sur son passage. Guy de Brébisson, qui étudie le phénomène depuis des années de son poste d’observation du Département des études du ministère de la Culture, penserait même plutôt le contraire. Selon lui, les entreprises se seraient le plus souvent lancées dans le mécénat en soutenant tout d’abord une action culturelle, et ne seraient venues à l’humanitaire que par la suite, et sans renoncer à leurs premiers choix.

Les catalogues de Paribas
Un tel comportement était mis en évidence à travers l’étude (2) à laquelle avaient répondu, en 1992, 274 entreprises mécènes. Elles n’auraient pas depuis, selon Guy de Brébisson, changé notablement d’attitude, d’autant que ces entreprises se sont investies dans un travail de longue haleine. Elles sont plus sûres de leurs choix, des institutions ou des artistes qu’elles veulent soutenir. Didier Marty (Fondation Paribas) campe ainsi avec sérénité sur un terrain qu’il sent solide. Il suit la même politique depuis des années, une édition de catalogues de musées, à raison de trois à quatre par an, ainsi qu’une collection d’œuvres – aujourd’hui plus de 180 – que se partagent les locaux de la banque, mais qui a aussi été exposée à l’étranger. "Si la banque se dit créatrice dans son métier, elle doit montrer aussi qu’il y a création ailleurs", commente Didier Marty.

L’adhésion du personnel
Un soutien aux arts plastiques peut être décisif pour l’image de l’entreprise. Selon son choix, contemporain ou ancien, l’entreprise sait qu’elle donnera d’elle une image dynamique ou conformiste.

Il n’est pas étonnant, dès lors, que l’art vivant soit choisi par des petites et moyennes entreprises en développement, qui ont maintenu leur action à travers les vents de la crise. À elles, cependant, la tâche difficile d’obtenir l’adhésion de leur personnel à ce choix. Le mécénat humanitaire, les sondages le montrent spectaculairement, passe infiniment mieux la rampe dans le personnel que la culture en général, et plus encore les arts plastiques. Si l’on ne veut pas qu’une politique de mécénat se résume au fait du prince, le seul garant de la continuité est la volonté d’y faire participer l’ensemble de l’entreprise.

(1) ADMICAL 16 rue Girardon 75018 Paris
(2) Données sur le mécénat d’entreprise en France, ministère de la Culture, Département des études et de la prospective 1992

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Les arts plastiques résistent à la crise

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