Les ventes aux enchères dans le monde, résultats et commentaires

Le retour des collectionneurs

Zurich

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 766 mots

Les résultats des dernières ventes de Christie’s et Sotheby’s en mai et juin, à Genève et Zurich, ont été fortement contrastés. Les ventes de bijoux n’ont pas obtenu les grands succès de l’année dernière, en revanche les ventes traditionnelles d’amateur se sont très bien déroulées.

ZURICH - La perplexité devant les ventes en février à Sankt Moritz, s’est transformée en certitude après les ventes de Genève de ce mois de mai. Les ventes aux résultats faramineux appartiennent à d’autres temps. Étrangement, durant toute la crise économique de ces dernières années, le marché de la joaillerie aux enchères, défiant a priori toute logique, se portait extrêmement bien, doublant chaque année ses résultats. C’était oublier que le comportement des acheteurs de bijoux est différent de celui d’autres domaines du marché de l’art. Certes, il existe des collectionneurs de bijoux comme pour les tableaux ou les arts appliqués classiques, mais l’aspect matière première d’un bijou joue un rôle essentiel dans sa valeur, et donc dans la psychologie de l’acheteur.

Au début d’une période de récession, l’attrait d’une marchandise facilement négociable et peu encombrante attire certains investisseurs, c’est le bien refuge. Ainsi ces dernières années, les ventes de bijoux ont provoqué une série de records à la hausse. En revanche, dans les périodes incertaines de reprise économique, les biens refuge sont les plus touchés ; un certain jansénisme pointe dans les habitudes de tous, le bien refuge n’a plus sa raison d’être, et les temps ne sont pas aux divertissements mais aux choses sérieuses : monsieur investit dans ses affaires, madame attendra son prochain colifichet.

En chiffres, cela se traduit de manière éloquente. Sotheby’s en novembre 1993 vendait pour 103 millions de francs suisses (414 millions de francs français), en mai 1994 on atteint péniblement les 35 millions (141 millions de francs français), les 13 millions de la collection Hélène Beaumont inclus. Dans la même vente de novembre, Sotheby’s vendait vingt-deux lots de plus de 1 million de francs suisses, contre cinq seulement dans la vente de mai. Christie’s en comparaison s’en sort mieux. La nouvelle politique de François Curiel, responsable mondial des ventes de bijoux, semble porter ses fruits, et les parts de marché en pourcentage des ventes de bijoux en Suisse, qui étaient pour Sotheby’s et Christie’s respectivement de 63 % et 37 % en 1994, sont passées à 56 % et 44 % pour les six premiers mois de l’année.

Autre situation pour les objets d’art
La situation des ventes traditionnelles d’objets d’art est totalement différente. Dans ce cas, les acheteurs sont en immense majorité des collectionneurs authentiques, ou des marchands spécialisés dans un domaine déterminé. Les résultats de ces deux derniers mois sont absolument remarquables, à la condition que le catalogue soit de qualité et les experts chargés de la vente dignes de ce nom. La vente d’argenterie de Sotheby’s à Genève, le 16 mai, répondait parfaitement à ces critères. Elle a totalisé 4 185 740 francs suisses, soit 17 millions de francs français, et un pourcentage de vendu de 90,7 %.

Une autre série de catalogues était conçue dans le même esprit. Il s’agit des ventes de mobilier, objets d’art et porcelaine de Sotheby’s à Zurich le 1er juin. Elles ont en commun une grande qualité, le parfum de l’authentique. Vous n’y trouverez pas les grands chefs d’œuvre réservés pour les ventes de New York ou de Monaco, mais la majeure partie des lots sont de provenance privée et sont tous de grand goût, le toc et le surchargé ne sont pas de mise. Les résultats ont été excellents, le pourcentage de vendus dépassant les 85 %. En plus des raisons que nous avons énumérées plus haut, le succès de ces ventes doit beaucoup à la grande tradition de collectionneur des suisses allemands. Par exemple, un groupe de quatre-vingt-douze sculptures en bois de la Renaissance qui provenait de la succession de la veuve d’un dentiste d’une petite ville helvétique, s’est vendu pour un total de 1 200 000 francs suisses, soit 4,8 millions de francs français.

Un Saint Sébastien de la région de Strasbourg, environ 1480, a été acquis par le musée Unterlinden de Colmar pour presque trois fois son estimation à 69 000 francs suisses (277 000 francs français). Notre veuve avait amassé dans le plus grand secret une collection de plus de deux mille tableaux anciens, que Sotheby’s vend petit à petit. Dans la vente de porcelaine, une série d’assiettes à sujet ornithologique de Nymphenburg de 1815, d’après l’Histoire naturelle des perroquets de François Le Vaillant provenant de la maison de Bavière, s’est vendue pour 125 700 francs suisses, soit 505 000 francs français.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Le retour des collectionneurs

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