Londres : Lefevre expose Balthus, Helen Chadwick à la Serpentine

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 1092 mots

Balthus vient de terminer une nouvelle peinture qu’on peut voir chez Lefevre (jusqu’au 15 juillet), la galerie de Bruton Street qui a monté une exposition des œuvres de l’artiste dès 1952, et veille sur ses intérêts depuis la disparition de son ancien marchand, Pierre Matisse.

Exécutée sur une période de cinq années dans son atelier de Rossinière, près de château d’Œx sur la route de Gstaad, c’est une troisième version du Chat au miroir (1989-94), qui montre la jeune Anna, la fille d’un médecin local, tenant un miroir sous le regard d’un chat, symbole de l’énigmatique dans l’œuvre de Balthus, assis à l’extrémité du divan. Le tableau, avec sa palette riche et sa matière épaisse, a été exposé sous sa forme inachevée dans deux rétrospectives présentées à Lausanne et à Tokyo l’an dernier. L’exposition comporte des reproductions à l’échelle des deux versions précédentes du sujet exécutées par Balthus en 1977-80 et 1986-89, et une suite de photographies de l’artiste au travail dans son atelier.

Dans le domaine de l’art contemporain, les nouvelles œuvres d’Helen Chatwick à la Serpentine Gallery (20 juillet-19 août) ne manqueront pas d’éveiller la curiosité. Conçue par la directrice adjointe de la galerie, Andrea Schlieker, l’exposition a déjà été montrée au Musée Folkwang, à Essen, et à la Fundació la Caixa de Barcelone, où elle s’est terminée au milieu du mois dernier. À Kensington Gardens, la pièce maîtresse en sera une œuvre entièrement nouvelle, une fontaine de chocolat commandée par la galerie et installée au milieu de son entrée à coupole. Intitulée Cacao, elle consistera en briques de chocolat fondues par un système de chauffage invisible et aspirées par un mince tuyau. Treize tondos cibachromes, Wreaths of Pleasure, se déploieront sur les murs entourant la sculpture. L’exposition comporte une présentation de Piss Flowers, série de moulages en bronze des trous créés dans de la neige tassée par l’urine de l’artiste et d’un collaborateur. Ils seront placés sur un tapis vert tissé pour la circonstance.

La Frith Street Gallery propose, jusqu’au 6 août, des dessins de femmes sculpteurs. Sa directrice, Jane Hamlyn, a retenu des œuvres de Louise Bourgeois, Eva Hesse, Roni Horn, Rosemarie Trockel et Rachel Whiteread. Les salles du sous-sol de la Tate Gallery accueillent également une expo­sition de dessins de sculpteurs britanniques (du 5 juillet au 27 novembre). Don de la fondation Weltkunst, ils comprennent des feuilles d’Edward Allington, Stephen Cox, Richard Deacon, Antony Gormley, Shirazey Houshiary, Anish Kapoor, Richard Long, Rachel Whiteread et Alison Wilding. Les carnets de croquis de Graham Sutherland couvrant la période 1945-73, et comportant des études qu’il fit, au titre d’artiste de guerre officiel, de hauts fourneaux et d’activités liées à l’extraction du charbon, occupent une salle contiguë.

Dans Dering Street, Anthony d’Offay expose trois nouvelles sculptures de Georg Baselitz (jusqu’au 30 juillet). Taillées sommairement dans du bois de citronnier et peintes de pigment rouge appliqué d’un pinceau rapide, elles mettent en évidence la fascination persistante de l’artiste pour la sculpture africaine. Dans le nouvel espace réservé à la production internationale de la jeune génération, Yukinori Yanagi a créé Union Jack Ant Farm (jusqu’au 18 août), image du drapeau britannique constituée par des boîtes en Plexiglas remplies de sable de couleur et reliées entre elles par des tubes en plastique ; une colonie de fourmis rouges évolue dans les tubes, perturbant le motif du drapeau qu’elle transforme en métaphore d’instabilité et d’anarchie. Yanagi a suscité beaucoup d’intérêt à la Biennale de Venise de l’année dernière avec World Flag Ant Farm. Le titre de la grande exposition d’été d’Annely Juda, Line and Mouvement (jusqu’au 17 septembre), évoque les préoccupations communes des artistes présentés, dont Mondrian, Naum Gabo, Georges Vantongerloo, Moholy-Nagy, Max Bill et Kenneth Martin.

Dans Cork Street, on verra de nouvelles sculptures de Frank Stella chez Waddington (jusqu’au 23 juillet), auxquelles succéderont des œuvres des réserves de la galerie avec une exposition de Sandro Chia début septembre.

À la galerie Beaux-Arts, une exposition de sculpture britannique moderne et contemporaine (jusqu’au 10 septembre) soumet le travail de Robert Adams, Kenneth Armitage, Michael Ayrton, Rog Butler, Elizabeth Frink, Bernard Meadowes, Henry Moore, Eduardo Paolozzi, ainsi que du jeune artiste écossais David Mach et de Dhruva Mistry, qui doit rejoindre sous peu la galerie. Ian Hamilton Finlay a créé une installation estivale pleine de lyrisme pour Victoria Miro (jusqu’au 29 juillet). Intitulée 3 Sailboats, elle met en place trois maquettes de voiliers dénommés Jean Cocteau, Juan Gris et Éric Satie. Trois grands parasols complètent l’ensemble, qui évoque des vacances dans le Midi de la France.

Dominic Berning et Nick Silver présentent une exposition de Jane Mulfinger chez Mayor (6 juillet-2 septembre), où l’on remarquera une installation de vingt paires de vieux souliers en cristal moulé, qui rappellent la pantoufle de "vair" de Cendrillon, association aussitôt faussée par le style et les éraflures des spécimens retenus. Bernard Jacobson présente vingt peintures exécutées ces quinze dernières années par Carel Weight, de la Royal Academy, qui fête son quatre-vingt-cinquième anniversaire (19 juillet-6 août). En même temps paraît une monographie de l’artiste par R. V. Weight édité par David and Charles, £ 35 (300 francs).

Gimpel organise une grande exposition des œuvres d’Yves Klein (jusqu’au 3 septembre), avec des exemples représentatifs des différents styles ou phases de sa carrière : des peintures I.K.B. (International Klein Blue), des peintures roses, des toiles incluant des éponges, une "peinture de feu", une empreinte anthropométrique que l’artiste exécuta en couvrant un modèle de son pigment bleu breveté, et en la pressant contre une toile ou une feuille de papier avec accompagnement d’orchestre, et divers multiples, dont un nouveau tirage de l’Esclave de Michel-Ange, exécuté avec l’autorisation de la veuve de l’artiste d’après une sculpture originale, que Klein voulait publier sous la forme d’une série de reproductions en plâtre peint. Les nouvelles peintures de R. B. Kitaj sont en avant-première chez Marlborough (jusqu’au 20 août), et Jay Jopling a monté une nouvelle exposition de Sarah Lucas pour White Cube (jusqu’au 27 août). Sous le titre provisoire de Ten green bottles - fuck me while I’m sleeping, on y voit un mobile incorporant des photographies de l’artiste.

Une date à retenir : le samedi 9 juillet, où le jeune marchand d’art et agent Joshua Compston mettra en scène The Fete Worse than Death, manifestation annuelle que le fondateur de Factual Nonsense a imaginée voici un an, lorsque Damien Hirst, Angus Fairhurst, Rachel Whiteread et d’autres artistes supervisaient les réjouissances, dont un échange de poils pubiens. L’événement doit se dérouler sous un grand chapiteau à Hoxton Square, où une centaine de stands offriront rafraîchissements et divertissements.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Londres : Lefevre expose Balthus, Helen Chadwick à la Serpentine

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