Tableaux anciens

Leegenhoek et Coatalem, le XVIIe des deux côtés de la Seine

Peu riche en tableaux anciens, Paris voit l’ouverture de deux nouvelles galeries dix-septièmistes

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 859 mots

PARIS - C’est au 35, rue de Lille, au sein du Carré Rive Gauche, dans une ancienne boutique de marchand de couleurs pas loin de la galerie tenue par ses parents sur le quai Voltaire, que Jacques Leegenhoek vient d’ouvrir sa propre galerie, consacrée à la peinture ancienne européenne.

Parmi les œuvres exposées rue de Lille, se trouvent l’un des dix-neuf tableaux peints par Theodoor Van Thulden pour l’Église des Mathurins, rue Saint-Jacques à Paris, intitulé Le Retour des Trinitaires en France avec les captifs libérés, une toile de l’artiste parisien du début du XVIIe siècle Jacques Blanchard, Le Temps révélant la Beauté, ainsi qu’une étude de Ludovico Carracci, vers 1594, pour La Transfiguration, conservée dans la Pinacoteca Nazionale de Bologna.

Les musées européens et certaines fondations américaines sont parmi les meilleurs clients de Jacques Leegenhoek : le musée de Lyon vient d’acquérir un tableau chez lui, et le Louvre a récemment acheté la superbe et rare Montée au calvaire de l’École de Leyde, peinte vers 1520, et probablement due au Maître de Hagar.

Âgé de quarante-sept ans, marié et père de deux enfants, Jacques Leegenhoek a gardé un excellent souvenir des treize ans qu’il a passé, à partir de 1972, comme expert chez Sotheby’s : "C’est fantastique ce que l’on apprend chez Sotheby’s. C’était un travail d’équipe – on est tellement plus fort, tellement plus dynamique que lorsque l’on est seul." À partir de 1986, Jacques Leegenhoek s’est associé avec Jean-Claude Serre, avec qui il dirigeait jusqu’à très récemment une galerie, au 199 bis, boulevard Saint-Germain.

"Dans une association, il faut que chacun s’y retrouve et qu’on avance dans la même direction. Il n’y avait plus le moteur pour faire les choses ensemble", nous a-t-il confié.

Et pourquoi avoir choisi le Carré ? "Je le préfère au faubourg Saint-Honoré, c’est plus convivial. Si j’étais amateur je viendrais ici, où il y a beaucoup de choses différentes, du mobilier, des objets, des tableaux. Le quartier du faubourg est mieux placé pour vendre, grâce à la clientèle des grands hôtels. S’il s’agit de vendre un Picasso, il vaut mieux ne pas être ici. " Quel genre de peinture sera représenté à la galerie Leegenhoek ? "Des peintres du Nord, des Français, des Italiens – j’aime tout, mais j’ai une préférence pour la peinture italienne et française, parce qu’elles me satisfont plus intellectuellement. La grande peinture du Nord est devenue très chère, et elle est très bien défendue par les grandes galeries anglo-saxonnes." Son choix de peintures pourra-t-il plaire autant à des collectionneurs privés qu’à des conservateurs de musée ? "Je ne comprends pas comment les gens ont pu se mettre dans la tête qu’un sujet religieux ne peut pas être accroché dans une maison privée. C’est un manque de référence au passé, à leur propre culture, aggravé par tout ce battage autour du moderne."

Un quartier de commerce et de luxe
De l’autre côté de la Seine, une autre galerie s’installe. Pour son gérant, Éric Coatalem, "c’est le grand saut". Âgé de trente et un ans, fils de colonel, et marchand depuis 1986, cet ancien collaborateur d’Éric Turquin – entre 1989 et 1991 – ouvre sa propre galerie, consacrée à la peinture, essentiellement française, du XVIIe siècle, au 93, faubourg Saint- Honoré, dans les anciens locaux d’un spécialiste d’art naïf.

Collectionneur de livres d’art depuis l’âge de douze ans, et de tableaux depuis l’âge de seize ans, – "je m’achetais des horreurs !", reconnaît-il avec humour –, Éric Coatalem a déjà monté deux expositions cataloguées de tableaux du XVIIe siècle, en 1991 et 1992, dans la galerie de Jean-François Baroni dans la rue Louvois.
"Le faubourg Saint-Honoré est un quartier de commerce et de luxe, où de riches collectionneurs peuvent pousser la porte. Le Carré Rive Gauche est moins commode – il est difficile de se garer, entre autres –, et plus tourné vers des collectionneurs affirmés", nous a confié Éric Coatalem.

Un choix hardi, le XVIIe siècle ?
"C’est un choix esthétique. Si on veut faire du commerce, il faut acheter des natures mortes et des fleurs flamandes. J’ai toujours aimé le XVIIe, surtout ce qu’on appelle "le grand genre" – les scènes mythologiques et religieuses, les portraits. C’est ce qui est le plus pensé, qui a le plus de tenue, de dessin", poursuit-il.

Les œuvres présentées par Éric Coatalem sont dues à des peintres tels que Charles le Brun, Sebastiano Ricci, Pierre Subleyras, Pierre Dupuis et Louis de Boullogne, à des prix allant, grosso modo, de 50 000 francs à 2 millions de francs.

Preuve que le XVIIe siècle réserve encore bien des surprises : en octobre, et pour coïncider avec la grande exposition Poussin au Grand Palais, Éric Coatalem va montrer dans sa toute nouvelle galerie une quinzaine de tableaux, pour la plupart des scènes religieuses et mythologiques, de l’artiste parisien Lubin Baugin (1612-1663). Le peintre, qui a exécuté onze toiles pour Notre-Dame de Paris, dont quatre subsistent, n’est le sujet d’aucune monographie et de très peu d’articles. L’exposition de la galerie Éric Coatalem comprendra uniquement des tableaux de collection, inédits, qui ne seront pas à vendre, et sera, selon l’organisateur, la plus grande jamais consacrée au peintre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Leegenhoek et Coatalem, le XVIIe des deux côtés de la Seine

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