Tendances

Le marché de la céramique confirme sa bonne santé

De bons résultats à New York, Zurich et Rome, un record à Paris

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 1114 mots

Le marché de la céramique, qui n’a pas particulièrement souffert des dernières crises, vient de connaître une série de ventes importantes aux États-Unis et en Europe qui ont confirmé sa bonne santé.

NEW YORK - La deuxième et dernière partie de la collection de céramiques italiennes de Arthur M. Sackler a été vendue par Christie’s à New York le 1er juin. Bien que la famille ait retiré vingt-sept lots parmi les plus intéressants, la vente a été suivie avec beaucoup d’intérêt. Elle a totalisé 671 140 dollars, (4 millions de francs environ), soit 89 % des lots, représentant 85 % en valeur.

Datant d’environ 1425, plusieurs cruches d’Ombrie, simplement décorées et très restaurées, se sont vendues entre 700 et 1 000 dollars, entre 4 000 et 5 900 francs, pour une estimation de 300-500 dollars. De la même époque, un vase florentin à deux anses, décoré de la fleur de lys de la ville, avec quelques très petites ébréchures, a été acheté par téléphone pour 17 000 dollars (100 000 francs), pour une estimation de 10 000 dollars.

Parmi les plats et les tasses historiés, signalons un plat d’Urbin daté de 1533, du peintre de la série signée d’un “L”, qui représente une allégorie du sac de Rome sous les traits de Charles Quint dévoilant une mère terrifiée et son nourrisson. Il a été acheté par téléphone pour 45 000 dollars (265 000 francs), pour une estimation à 50-70 000 dollars. Un collectionneur américain a acquis pour 50 000 dollars, soit 295 000 francs environ, pour une estimation à 60-80 000 dollars, un médaillon d’Urbino particulièrement beau, daté d’environ 1550-1560 et que l’on doit à Orazio Fontana ; il représente Hannibal traversant l’Èbre.

La céramique à figurines a remporté moins de succès : 12 000 dollars soit environ 80 000 francs, pour une estimation de 10-15 000 dollars, déboursés par un acheteur (au téléphone) pour une paire de salières, portées chacune par trois griffons grimaçants, sorties des ateliers Patannazi vers 1575. Une autre paire de salières, de l’atelier de Palissy, des architectures ornées de masques, de cariatides, de serpents et d’un Neptune debout dans l’embrasure d’une porte, a suscité un intérêt beaucoup plus grand, puisque son double fait partie de la collection Rothschild – anciennement Spitzer –, et que les quatre salières ont probablement été conçues comme un ensemble. Il reste peu de vaisselle authentique du XVIe siècle fabriquée par les ateliers du grand céramiste, car elle fut largement et fort bien imitée au cours du XIXe siècle. Estimées à 15-20 000 dollars, ces salières, une rareté sur le marché, sont allées à un collectionneur américain pour 32 000 dollars, soit 190 000 francs environ, ce qui reste un prix raisonnable.

Les ventes Sotheby’s Zurich
Le 1er juin à Zurich, Sotheby’s mettait aux enchères un bel ensemble de pièces européennes, qualificatif qui, on le sait, exclut la digne Albion. Les prix ont suivi les estimations. Parmi les faïences, signalons une belle soupière Hannong travaillée au naturel,  datée d’environ 1750, adjugée 26 000 francs suisses, environ 105 000 francs, et un élégant plat de Rouen, peint pour imiter le nielle et orné d’amours, estimé entre 20 et 30 000 francs suisses, mais qui n’a pas trouvé preneur. La manufacture de Meissen était représentée, entre autres, par un plat du célèbre service Christie-Miller, estimé à 30-40 000 francs suisses, parti pour environ 86 150 francs suisses (350 000 francs), et une cafetière en grès de Böttger de 1710-1712, estimée à 20-30 000 francs suisses, et qui s’est envolée à 91 000 francs suisses (366 000 francs).

La manufacture allemande de Fulda a également remporté de beaux succès : une figurine de la Vierge d’environ 1770, estimée à 35-45 000 francs suisses, est partie pour 91 000 francs suisses, 366 000 francs, tandis qu’un solitaire d’un goût incertain, datant de 1785 environ, a fait un bond énorme, d’une évaluation de 4-6 000 francs suisses à une adjudication à 58 500 francs suisses (soit 240 000 francs).

Les vingt-deux assiettes époque Restauration de Nymphenburg, décorés de perroquets reproduits d’après l’Histoire naturelle des perroquets, de François Le Vaillant, proposés séparément, puis en un lot unique, ont été adjugés à 142 000 francs suisses (570 000 francs environ).

Les ventes Finarte
L’Italie, qui semblait condamnée à ne réaliser de bons scores qu’avec certains objets, en clair les tasses recherchées par les deux ou trois collectionneurs qui font le marché de la Péninsule, semble enfin sortir de l’ornière. à Rome, à quelques heures de la vente de Zurich, Finarte mettait aux enchères du mobilier et un important ensemble de porcelaines de Meissen, des objets de qualité dont plusieurs n’étaient pas sans défaut, hélas. Quoi qu’il en soit, une occasion à ne pas manquer pour les acheteurs italiens, relégués depuis des années aux confins du marché international. Bon nombre de lots méritent mention : une paire d’élégants plateaux du “service au cygne”, évalués à 10-12 millions de lires et vendus 29,9 millions (105 000 francs), et des vases Augustus Rex d’environ 1740, dont le charme a fait grimper le prix jusqu’à 62 millions de lires (217 000 francs) au lieu des 40-50 de l’estimation, et ce malgré le fait que l’un d’eux ait été restauré. Le score de 36,8 millions de lires (environ 130 000 francs), réalisé par une potiche représentant la fuite et la halte en Égypte peintes par Lowenfinck – selon Finarte –, à la manière orientale sur fond violet pâle, semblait en revanche parfaitement justifié.

À Drouot, le 6 mai, sous le marteau de Marc Ferri, un plat de la légendaire manufacture de porcelaine des Médicis, daté des années 1570, était adjugé 8,8 millions de francs, soit 9 635 561 francs avec les frais, à Alain Moatti – un record mondial. Cet objet extraordinaire, décoré en camaïeu bleu et marqué de la lettre “F” surmontée de la coupole de Santa Maria del Fiore, fait partie de la soixantaine d’exemplaires de cette production qui nous sont parvenus et qui se trouvent pour la plupart dans des collections publiques. Seulement une poignée ont un décor de la Renaissance, les autres étant décorés en imitation de porcelaine de Chine. Celui-ci s’enorgueillit d’un pedigree irréprochable.

Enfin, cette porcelaine créée pour le grand-duc François de Médicis est la plus ancienne d’Europe, ce qui explique le prix atteint. Du fait de l’importance de l’adjudication (le marchand londonien Rainer Zeitz était sous-enchérisseur), la rumeur s’est mise à circuler qu’Alain Moatti avait agi pour le compte du Musée Getty – ce que dément le marchand de la rue des Saints-Pères. “Ce genre de rumeur réduit le rôle de marchand à celui de courtier. On avait raconté le même genre d’histoire lorsque j’ai effectué d’autres achats importants”, nous a-t-il indiqué.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Le marché de la céramique confirme sa bonne santé

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