Orléans

La culture sur les grands boulevards

Une médiathèque qui renoue avec l’hédonisme architectural

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 622 mots

Signée Pierre du Besset et Dominique Lyon, la médiathèque d’Orléans est le premier équipement culturel d’une nouvelle politique d’urbanisme.

ORLÉANS - Avec une façade intriguante, faite de vagues d’aluminium dignes de l’architecture contemporaine japonaise, la médiathèque d’Orléans a chassé un commissariat de police, sur un site à la charnière de la ville ancienne, s’inscrivant dans la perspective des grands boulevards de la ville. "C’est une architecture qui s’intègre dans un projet urbain", souligne Jean-Pierre Sueur, député maire, à propos de l’établissement ouvert le 31 mai. La capitale de la région Centre a entrepris la reconquête de ses mails, abandonnés depuis l’après-guerre au trafic automobile. Sur cet ancien tracé des fortifications de la ville, la culture va prendre une place de choix : après la médiathèque, Orléans inaugurera, cet automne, un théâtre de 600 places, réalisé plus loin par François Deslaugiers.

"Cesser de faire du faux vieux"
Le projet d’une médiathèque était dans l’air depuis longtemps, mais pas dans ce lieu en marge du centre historique. L’équipe municipale précédente avait préconisé son installation dans un ancien évêché du XVIIe siècle. "Il faut cesser de faire du faux vieux", estime Jean-Pierre Sueur, qui avait lancé le concours pour la réalisation de cet équipement phare. Celui-ci a été remporté par Pierre du Besset et Dominique Lyon, architectes du nouveau siège du Monde à Paris. Privilégiant la réflexion sur le programme par rapport à l’exercice formel, ils se sont imposés devant, notamment, le Grand Prix d’architecture Christian Hauvette qui avait imaginé une tour de Babel.

Les lauréats ont adopté une écriture forte, pour que leur réalisation puisse exister dans un contexte marqué par une église très présente et un immeuble d’habitation de grande hauteur. Mais avec un extérieur en apparence opaque, la médiathèque cache bien son jeu. Les vagues d’aluminium laissent filtrer la lumière, et le bâtiment réussit à établir constamment une liaison avec la ville. Appréciable dans la salle des périodiques, au rez-de­chaussée, cette qualité est encore plus flagrante dans la salle de lecture, qui occupe quasiment tout le second étage. Bien protégé des nuisances phoniques, cet espace qui s’étire derrière une verrière de 36 mètres de long, profite d’une belle loggia sur Orléans. Les architectes ont su également mener une recherche sur des matériaux économiques : des bâches vertes habillent la salle de lecture, un aluminium granité sert de vêture aux couloirs.

L’intérieur du lieu est un festival de couleurs. Seul l’auditorium de 200 places est noir. Chaque élément de programme est traité comme un espace à part, avec sa propre ambiance et son propre code couleur. Les salles se succèdent, voire s’emboitent, au gré d’un parcours original. Le pivot du bâtiment est une grande et belle cage d’escalier orange, une couleur qu’on n’osait plus utiliser depuis les années 70. Les architectes ont travaillé avec l’artiste américain Gary Glaser – qui avait déjà collaboré avec Jean Nouvel – pour la conception des aménagements intérieurs. Il en ressort des ambiances très "pop art", des audaces chromatiques s’imposant dans des moquettes de style "bed and breakfast", et dans un détournement des célèbres chaises fourmi de Arne Jacobsen, revêtues pour l’occasion de tissus argent et fleuris !

Lyon et du Besset livrent un parcours architectural inédit, revendiquant l’idée de plaisir, en rupture avec le minimalisme et la rigueur esthétique néo-corbuséenne. Le bâtiment renoue avec un certain hédonisme architectural.
L’établissement est le premier du genre à avoir bénéficié d’une loi, votée en 1992, modifiant les relations entre les collectivités locales et le ministère de la Culture. Ce texte, qui réforme en particulier la dotation générale de décentralisation (DGD) pour les bibliothèques municipales, a permis à cette médiathèque originale de bénéficier d’une aide de l’État de 25 millions de francs, sur un coût total évalué à 105 millions de francs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : La culture sur les grands boulevards

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