Gand

Veranneman,une célébration en forme de chaise

Une symbiose permanente entre l’objet, le lieu et un environnement

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 550 mots

Emiel Veranneman était déjà reconnu comme un des acteurs les plus importants de la vie artistique belge de l’après-guerre, que ce soit avec sa galerie de Courtrai ou avec celle qui, à Bruxelles, avait présenté l’essentiel de la création contemporaine belge et européenne. Cette exposition rend compte d’une facette non moins importante de l’œuvre de Veranneman : cinquante ans de création de mobilier.

GAND - L’artiste, formé à Gand puis dans la classe de Van de Velde à La Cambre, a conservé de son mentor la rigueur, en même temps que cet incessant dialogue avec les formes artistiques du jour. Le designer ne peut se comprendre sans l’esthète sensible aux expressions artistiques. On retrouve des références qui ne cèdent jamais à la citation postmoderne : le graphisme d’un Kandinsky dans la lampe sur pied de 1957, le constructivisme japonisant dans les consoles et tables basses, l’incidence de De Stijl dans la chambre d’enfant de 1956, le sensualisme géométrique d’un Jo Delahaut dans les armoires colorées de 1968-1970, comme le sens du relief dans les réalisations les plus récentes, témoignent de cette dimension picturale du travail de Veranneman.

La référence à l’image se veut incessante. Au-delà de sa “fonctionnalité”, le meuble est une figure qui investit l’espace et l’occupe tel un objet d’art. Veranneman cherche ainsi une force sculpturale pour chacune de ses réalisations, en même temps qu’il noue un dialogue étroit avec les œuvres – peintures, dessins, sculptures – qui sont amenées à coexister quotidiennement dans l’espace de l’habitation. L’artiste échappe à cette veine du design qui opte résolument pour l’objet contre l’environnement. Il ne s’agit pas d’imposer le meuble comme un coup de force, ni de faire violence à l’espace, mais de fondre l’un et l’autre en un dialogue intime, conçu pour l’agrément journalier.

On comprend dès lors les difficultés rencontrées par le Musée des arts décoratifs lorsqu’il s’agit de présenter 90 pièces dans ce lieu abstrait qu’est le musée. L’espace normalisé, privé des hasards de la vie – malgré la présence de sculptures et tableaux choisis par Veranneman lui-même –, ne peut rendre la nécessité d’affirmer la forme dans son contexte vécu. Le musée consacre l’objet dans sa nudité, pour rendre compte de sa genèse plastique.

Le volumineux ouvrage qui accompagne la manifestation apporte un correctif. On regrettera peut-être le ton parfois trop proche de l’hommage. Le texte apparaît trop comme un cadeau fait à un créateur de grande qualité. Son manque d’esprit critique ou incisif laisse sur sa faim le lecteur qui voudrait dépasser le florilège, pour mieux pénétrer un travail riche jusque dans ses limites. En 326 pages, l’œuvre retrouve toutefois son environnement quotidien en même temps que sa raison d’être. La riche iconographie témoigne de cette symbiose permanente entre l’objet, le lieu et un environnement qui, joignant l’utile au beau, assouplit les exigences de l’existence. Le rêve de Van de Velde trouve ainsi son expression contemporaine : témoignage si besoin en est de l’actualité de sa pensée.

Exposition : “Emiel Veranneman”?, Sierkunst Museum de Gand, jusqu’au 11 septembre, tous les jours sauf le lundi de 9h30 à 17h. Entrée de 70 à 150 FB.

Emiel Veranneman 50 jaar Meubelcreaties, Snoeck-Ducaju & Crédit Communal, collection des Monografieën over Vlaamse kunst ; 362 p. ; édition unique multilingue (français, anglais, néerlandais) ; prix : 2 600 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Veranneman,une célébration en forme de chaise

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