Paris - Nantes - La Flèche

Leni Hoffmann en France

L’envers du décor

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 549 mots

Double actualité pour cette artiste allemande de trente-deux ans qui, entre Paris et les pays de la Loire, arrête notre regard sur des lieux où il aurait logiquement glissé, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du musée.

PARIS - NANTES - LA FLÈCHE - Les interventions de Leni Hoffman sont beaucoup plus complexes que le matériau pauvre qu’elle utilise de manière récurrente, la pâte à modeler, pourrait le laisser croire. Ses œuvres viennent toujours souligner des espaces, parfois très anodins, dont elles révèlent la structure mais aussi la matérialité, jouant sur des oppositions entre intérieur et extérieur, des surfaces lisses ou rugueuses, la lumière naturelle ou celle d’un néon, ou encore sur des gammes colorées.

Bataclan, l’espace réalisé à l’entrée de la Cité internationale des arts à Paris (qui était présenté jusqu’à la mi-juin), avec des moyens très simples, possède ces qualités de mise en relief de la réalité. Par contraste, le blanc (cassé) et le motif (courbe) d’une bande de pâte à modeler, invitent à lever les yeux au plafond, qui se trouve comme mis à nu : chacun de ces détails méritant soudain autant d’attention que la partie travaillée de la main de l’artiste. Les autres surfaces, vertes et roses, appliquées à même les vitres, incitent à un va-et-vient permanent entre différents points de vue, de l’extérieur vers l’intérieur.

Il n’existe jamais ici une vision juste ou unique, puisque tous les paramètres extérieurs pénètrent l’œuvre. Comme au Musée des beaux-arts de Nantes, où Leni Hoffmann a choisi la grande vitre qui sépare la librairie du musée de la Salle Blanche, restée close et vide. La composition en vert, bleu et rose vif, qui couvre l’ensemble de la surface vitrée, ne revêt pas le même aspect pour tous les spectateurs. Une lumière placée derrière, dont la qualité est aussi artificielle que celle de la pâte à modeler, vient toutes les heures en modifier la perception.

"Les Images du Plaisir"
Dans le cadre de la série d’expositions organisées en pays de Loire, regroupées comme l’été dernier sous le titre "Les Images du Plaisir", Leni Hoffmann n’a pas chômé : elle est aussi intervenue sur l’extérieur de différents bâtiments à La Flèche, et sur un autre à Château-Gontier. À La Flèche, les deux œuvres jouent davantage sur un registre décoratif, plus propice à attirer l’attention des passants. Dans la rue principale, une grande composition tricolore, Ringo, vient combler l’espace vide, encadré d’une corniche, au-dessus d’une croissanterie, jaune vif. Au détour d’une ruelle, une discrète frise blanche colle à la façade d’une maison, où elle semble indiquer les maladies du mur. À Château-Gontier encore, des rectangles verts viennent dialoguer sur les vitres d’un magasin abandonné, passées au blanc d’Espagne.

En plus des conversations que les interventions de Leni Hoffmann font naître chez les "choses inanimées", elles engendrent, au cours de leur réalisation, toute une série d’échanges, du conservateur de musée au patron de la croissanterie. Le dépliant touristique que l’artiste a conçu pour l’occasion, dont la tranche porte l’indication Souvenirs précieux, peut en donner un aperçu. On y voit, par exemple, une photo où Jean-François Taddei, commissaire de l’exposition, fait gicler sur le comptoir d’un bar la moutarde initialement destinée à son hot-dog…

"Les Images du Plaisir" Musée des beaux-arts de Nantes, La Flèche et Château-Gontier, jusqu’au 31 août 1994.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Leni Hoffmann en France

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque