Venise

Le quatrième centenaire du Tintoret

Fin des restaurations de l’édifice qui abrite les grandes toiles de l’artiste

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 778 mots

L’année du Tintoret bat son plein : la grande exposition de ses portraits se poursuit jusqu’au 10 juillet, avant d’être présentée au Kunsthistorisches Museum de Vienne du 31 juillet au 30 octobre. Le 12 mai, au Palais ducal, a été inaugurée une exposition consacrée à \"Jacopo Tintoretto et ses graveurs\", qui durera jusqu’au 7 août. Elle témoigne du succès remporté par les sujets du peintre dans l’interprétation des graveurs depuis le XVIIIe siècle, d’Agostino Carracci aux Sadler, aux Zucchi et à Antonio Maria Zanetti le Jeune.

VENISE - La nouveauté la plus importante, dans le cadre des manifestations du quatrième centenaire du Tintoret, concerne la Scuola Grande de San Rocco et l’achèvement des restaurations du bâtiment lui-même. Au début du XVIe siècle, la Scuola était la plus grande et la plus riche de Venise. En 1564, Tintoret entreprit le premier cycle qui décorera les murs et les plafonds de la Sala del’Albergo, puis un second cycle, en 1576, pour la Sala Grande, et un dernier cycle de scènes de la vie de la Vierge, de 1583 à 1587.

Restauration de la Scuola
Les premières recherches ont commencé dès 1990 et les restaurations de l’aile ouest étaient terminées en décembre 1992 : travail délicat, compte tenu de l’état de dégradation, mais aussi de l’emploi de six types de marbre différents, sans compter la pierre d’Istrie. Celle-ci est le matériau dominant de la façade, exemple prestigieux de la transition entre un style Renaissance marqué par les leçons de Pietro Lombardo et de Mauro Codussi, et un style classique.

La synthèse qui en est résultée ne permet guère de distinguer les contributions personnelles des différents architectes qui y ont travaillé : Bartolomeo Bon, à partir de 1515-1516 ; puis, à partir de 1524, le très jeune Sante Lombardo, remplacé bientôt par Antonio Abbondi, dit "le Scarpagnino", qui achève l’ordre monumental de la façade et construit l’escalier d’apparat ; enfin et jusqu’à sa mort en 1549, Giangiacomo d’Alzamo, lointain parent de Bartolomeo Bon.

La restauration, coordonnée par l’architecte de Saint-Marc Ettore Vio, a été partiellement financée par la Région de Vénétie, avec les fonds de la loi spéciale (environ un milliard de lires, soit 35 millions de francs, pour l’ensemble des travaux). Elle a dû tenir compte de cette variété de styles : il ne suffisait pas, en effet, de consolider ou de nettoyer les divers éléments, mais il fallait aussi reconstruire l’équilibre architectural et pictural de l’ensemble.

De nombreuses publications pour le centenaire
Les éditions Electa publient la monographie de Giandomenico Romanelli sur les toiles du Tintoret appartenant à son cycle pictural majeur. Le dernier tableau ovale de ce cycle, encore en restauration, vient d’être remis en place. Les soixante autres toiles ont déjà été réinstallées après nettoyage, grâce aux fonds des Lion’s Club de Mestre, de Mira Porte, de Chypre et de Strasbourg.

Signalons encore deux autres initiatives éditoriales. La première est la réédition d’une Vie de Tintoret tirée de Le Meraviglie dell’Arte overo le vite degl’illustri pittori veneti e dello stato, œuvre du chevalier Carlo Ridolfi (1648). Le volume, publié par Filippi Editore et enrichi de quelques gravures tirées de l’œuvre du Tintoret, reprend l’édition des Meraviglie publiée par van Hadeln à Berlin entre 1912 et 1924, augmentée d’une introduction d’Antonio Manno. En annexe, Alessandra Schiavoni donne les testaments de Jacopo, de sa femme Faustina Episcopi et de ses fils Domenico, Marco et Ottavia, ainsi que les clauses relatives au patrimoine du peintre. Les index – topographique et thématique – permettent de faire des rapprochements entre les œuvres encore existantes et celles qui sont perdues, de préciser les attributions et de suivre les éventuels transferts entre les localisations originelles et celles d’aujourd’hui.

La seconde publication par les éditions Grafiche Veneziane est celle des Sacre rappresentazioni nelle Chiese di Venezia, où l’on a répertorié, toujours sous la direction d’Antonio Manno, toutes les œuvres du Tintoret présentes dans les vingt-deux églises de Venise. Chaque fiche reproduit la photographie de l’édifice, indique l’emplacement de l’œuvre à l’intérieur, reproduit en couleurs des détails du tableau, et surtout examine les tableaux du point de vue de leur correspondance avec les dogmes religieux du concile de Trente, selon l’interprétation personnelle qu’en donne le Tintoret.

On peut lire les fiches selon leur ordre de présentation, ou les regrouper par ensembles thématiques. Il est intéressant, sur ce point, de suivre par exemple l’évolution du peintre dans les diverses représentations de la Cène (sept en tout), depuis la première à San Marcuola (1547) jusqu’à la dernière à San Giorgio (1592-1594), en passant par celle de San Trovaso (1564-1566).

Pour conclure ce quatrième centenaire, la surintendante Nepi Sciré a annoncé la restauration des dix grandes toiles de la Madonna dell’Orto.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Le quatrième centenaire du Tintoret

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