Compiègne

L’art religieux au temps des Carmélites

Vestiges d’une prospérité aux XVIIe et XVIIIe siècles

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 518 mots

Dans le cadre du bicentenaire du martyre des seize carmélites de Compiègne, plusieurs manifestations sont organisées par la ville. Au nouveau Carmel situé à Jonquières, non loin de Compiègne, ont été réunis les souvenirs pieux, manuscrits, autographes, tableaux, reliquaires et autres objets de dévotion ayant appartenu aux seize carmélites martyres. Le Musée Antoine Vivenel présente, lui, dans deux de ses salles, une évocation de l’art religieux compiégnois aux XVIIe et XVIIIe siècles.

COMPIÈGNE - Le 17 juillet 1794, seize carmélites de Compiègne, condamnées comme fanatiques par le Tribunal révolutionnaire, sont guillotinées sur la place du Trône renversé à Paris. En souvenir de ce martyre – dont Bernanos tirera son célèbre Dialogue des Carmélites, et Poulenc un opéra –, le Musée Vivenel évoque le rayonnement religieux et la prospérité artistique de Compiègne aux XVIIe et XVIIIe siècles. La presque totalité de ce riche patrimoine mobilier et architectural ayant été détruit à la Révolution, la plus grande part des tableaux, meubles d’église, pièces d’orfèvrerie, etc., ayant été dilapidée, vendue comme bien national, fondue ou brûlée..., les quelques pièces réunies dans les deux salles du Musée Vivenel n’en ont que plus de prix.

Prises de voile
Compiègne avait été choisie, depuis les empereurs mérovingiens, comme résidence impériale et royale. Son clergé avait ainsi amplement bénéficié de la faveur des princes, et l’art religieux y connut une grande prospérité. L’abbaye royale de Saint-Corneille, fondée par Charles le Chauve à la fin du IXe siècle, les grilles et les stalles de l’église Saint-Jacques (encore visibles aujourd’hui) offertes par Louis XV, ou encore la fondation du Carmel, en 1641, celle du couvent des visitandines, quelques années plus tard, en témoignaient, comme les innombrables chapelles et monuments conventuels qui habillaient la ville. Marque de ce prestige et de ce rayonnement, l’abbaye de Royallieu fondée par l’aumônier de Philippe le Bel au début du XIVe siècle, est, au XVIIIe, fréquentée par tous les hauts personnages de la Cour. Les prises de voile y sont très courues.

Le carmel trouve avec Marie Leczinska, qui aimait s’y retirer périodiquement, et le comte de Toulouse, fils de Louis XIV, leurs plus fidèles protecteurs et mécènes. De ces prodigalités royales, le Musée Vivenel offre quelques vestiges. Aux côtés de dalles funéraires et autres pierres de fondation ornées d’épitaphes, est accrochée une Madeleine repentante, offerte par Marie Leczinska aux carmélites. Selon la tradition locale, la reine aurait elle-même contribué à peindre le tableau. Un imposant pied de lutrin ou de candélabre d’époque Régence, orné de trophées d’armes, offert par l’abbesse de Royallieu, la princesse Jeanne-Gabrielle de Grimaldi de Monaco, fait face à une émouvante Sainte Marie-Madeleine de bois sculpté du XVIIIe siècle. Des tableaux de dévotion et des ex-voto, d’une veine plus populaire, tranchent avec un somptueux pupitre et canon d’autel en marqueterie Boulle.

L’exposition offre également l’occasion de découvrir ou de redécouvrir le Musée Vivenel qui, malgré sa vétusté, possède la seconde collection de province de vases grecs après Boulogne-sur-Mer, ainsi qu’une prestigieuse collection d’ivoires médiévaux et de dessins de maîtres, mais dont un bon nombre est en cours de restauration.

Musée Antoine Vivenel, 2, rue Austerlitz, Compiègne, jusqu’au 18 septembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : L’art religieux au temps des Carmélites

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