Chine

Nouvelles géographies de l’art contemporain

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2010 - 750 mots

Des musées d’art actuel fleurissent en Chine tandis qu’un partenariat s’engage
entre l’Ullens Center for Contemporary Art à Pékin et le Minsheng Art Museum à Shanghaï.

PÉKIN, SHANGHAÏ - « Que cent fleurs s’épanouissent… » La Chine a transposé cet adage de Mao Tsé-toung sur le plan muséal. En l’espace d’un an, plusieurs projets ont vu le jour. Il en va ainsi du nouveau lieu baptisé « Rockbund Art Museum », lancé par le promoteur new-yorkais Rockefeller Group dans un ensemble de bâtiments Art déco à Shanghaï. L’inauguration s’est effectuée en grande pompe début mai avec une exposition de l’artiste Cai Guo-Qiang. Celle-ci sera suivie par une monographie de Zeng Fanzhi, puis par une exposition de groupe menée par le curateur Hou Hanru. Comme toujours en Chine, la culture relève d’un projet immobilier global, avec l’idée de transformer un bâtiment patrimonial en lieu de vie et de loisir.

L’ouverture du Rockbund est une vraie gageure, puisque la structure a failli faire les frais de luttes politiques en 2007, le principal soutien du groupe Rockefeller, le patron de la compagnie chinoise New Huangpu Group Co., ayant été arrêté…
De son côté, le groupe immobilier Zendai a agrandi en septembre 2009 son précédent musée ouvert en 2005. Rebaptisée « Zendai Himalayas Art Museum », cette structure a créé un supermarché artistique dénommé « Art S-Supermarket ». Reste à voir si ces nouveaux musées ne succomberont pas à un travers très chinois : accepter des expositions commerciales médiocres pour boucler leur budget. Prometteur lors de son ouverture en 2005 à Shanghaï, le MOCA est emblématique de cette dérive. « Il est très difficile de faire des prédictions sur l’avenir des nouveaux musées en Chine, observe Philip Tinari, rédacteur en chef de la revue chinoise d’art contemporain Leap. C’est une chose d’organiser une grande soirée pour le show inaugural, et une autre de construire et soutenir une institution à long terme. »

Fusion programmée
Le nouveau Minsheng Art Museum à Shanghaï pourrait échapper à ce scénario grâce à  la force de frappe financière de la banque Minsheng, dont le taux annuel de croissance frôle les 38 %. Un panorama de la collection constituée par l’entreprise, agrémentée de plusieurs prêts, a été présenté dans un bâtiment inauguré en avril. La puissance de feu de cette compagnie n’a pas laissé indifférent l’Ullens Center for Contemporary Art (UCCA), que les collectionneurs belges Guy et Myriam Ullens ont ouvert à Pékin en 2007. Le 2 avril, le centre d’art pékinois a signé avec la banque un accord sur trois ans portant sur la coproduction une fois par an d’une exposition, la première, dédiée à Liu Xiadong, étant programmée pour novembre.

La collaboration s’étendrait à la formation des conservateurs. La banque Minsheng a aussi annoncé son souhait de lancer un prix pour l’art contemporain aussi ambitieux que le Turner Prize. Pour nombre d’observateurs, ce pacte constituerait une première étape avant une prochaine fusion des deux structures. Il est notoire que Guy Ullens souhaite vendre sa collection estimée à 200 millions d’euros. Il a cédé l’an dernier à deux reprises chez Poly à Pékin plusieurs pièces d’art classique, décrochant au passage quelques records. Dans l’une des vacations, on retrouvait deux toiles contemporaines. Une suite à ces ventes d’art classique est prévue en juin, toujours chez Poly.
Selon Philip Tinari, « une fusion des deux institutions à moyen ou à long terme est très probable.

En ayant un partenariat avec une importante compagnie chinoise, l’UCCA pourrait éviter le scepticisme qui l’a inévitablement accompagné depuis son ouverture en raison de ses racines étrangères. Déjà, le conservateur en chef de l’UCCA, Guo Xiaoyan, est parti pour le Minsheng Museum, ce qui dénote un certain degré de chevauchement en termes de personnes et de goût. »
Sans faire de pronostics, Jérôme Sans, directeur de l’UCCA, n’exclut pas cette perspective. « Ce n’est pas d’actualité, mais nous travaillons à ce que l’avenir soit chinois, nous a-t-il déclaré. Nous sommes limités par le temps. Guy Ullens a 75 ans, et il veut tout organiser pour que cela ne soit pas une catastrophe et que sa collection ne soit pas éparpillée.

Une partie de mon travail, depuis mon arrivée, est d’assurer la pérennisation du lieu. Tous les scénarios sont à l’étude. Des questions qui ne se posaient pas il y a quelques années, comme l’éventualité d’un achat par l’État, se posent aujourd’hui. »
D’après un proche de Guy Ullens, l’UCCA serait aussi en discussion avec deux autres partenaires dont le poids financier serait comparable à celui de Minsheng.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°326 du 28 mai 2010, avec le titre suivant : Nouvelles géographies de l’art contemporain

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