Inde

Les peuples de toujours

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2010 - 541 mots

L’art méconnu des tribus Adivasi au Quai Branly, à Paris.

PARIS - Populations aborigènes installées dans les campagnes indiennes, en marge du système de caste hindou mais souvent assimilées aux intouchables, les Adivasi n’ont été reconnus par la constitution indienne que récemment. Au terme de « peuples de la nuit » ou « peuples cachés » s’est alors substitué celui de « peuples de toujours ». Leur culture a joué un rôle majeur dans cette reconnaissance. Elle est aujourd’hui révélée au public au Musée du quai Branly, à Paris. D’une grande variété, entre artisanat populaire et art contemporain tribal, les productions plastiques des Adivasi ont évolué au contact de la société hindoue, mais aussi du monde moderne urbain.

« Il s’agit de revenir à la pluralité de l’Inde, de mettre en lumière ces peuples méconnus, très proches de leur terre », explique Vikas Harish, conseiller scientifique de la manifestation. Et de préciser : « Leur tradition se transmet oralement ; elle n’est donc pas figée mais en constante évolution. Ce qui a donné lieu à d’innombrables interprétations iconographiques. » C’est ce que révèle ce parcours conçu à l’image d’un long cheminement à travers l’Inde rurale, peuplé d’imposantes sculptures comme les figures équestres votives en terre cuite dédiées au dieu Ayyanar.

Tout aussi imposantes, les sculptures en bois du culte des Bhuta ont été prêtées par le Crafts Museum, à New Delhi, institution qui a joué un rôle de premier plan dans la définition d’une identité Adivasi. Elles incarnent l’esprit des ancêtres, à l’instar des sculptures anthropomorphes de Nicobar (au sud-est du golfe du Bengale) aux dimensions plus modestes, installées dans les maisons où elles participent à la vie quotidienne de la famille.

Un autre visage de l’Inde
Certains artistes Adivasi ont su faire évoluer l’artisanat traditionnel de leur tribu vers des créations plus personnelles. C’est le cas de Jivya Soma Mashe, originaire de la tribu Warli de Maharashtra, qui a réinterprété sur la toile les thématiques peintes sur les murs des maisons à l’occasion de cérémonies, en y ajoutant des éléments plus personnels. Jivya Soma Mashe a été invité au musée, avec son petit-fils Kishore Mashe, pour créer une pièce originale. L’artiste Sundaribai a, elle aussi, fait le déplacement jusqu’à Paris pour élaborer une de ses sculptures d’argile.

S’inscrivant dans la tradition des fermiers Rajwar de la région de Sarguja, elle sculpte des paravents ajourés, destinés aux écoles ou aux particuliers, où se déploient des personnages aux couleurs vives. Il faudrait citer encore Paresh Rathwa, qui s’est inspiré des légendes peintes de l’univers des tribus Rathava (dans le Gujarat) pour mettre au point un vocabulaire plastique singulier, et Jangarh Singh Shyam, figure emblématique de la peinture Gond, caractérisée par des œuvres colorées où s’animent animaux et divinités. Tous incarnent un des aspects de l’univers Adivasi et offrent un autre visage de l’Inde. Le Quai Branly, qui se définit comme le « musée des cultures du monde », assume ici pleinement son rôle.

AUTRES MAÎTRES DE L’INDE, jusqu’au 18 juillet, Musée du quai Branly, 37, quai Branly ou 206 et 218 rue de l’Université, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr, tlj sauf lundi 11h-19h, les jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h.

Catalogue, éd. Somogy, 156 p., 29 euros, ISBN 978-2-7572-0338-5

INDE

Commissaire général : Jyotindra Jain, historien de l’art et anthropologue

Commissaire associé : Jean-Pierre Mohen, docteur d’État en préhistoire, conservateur général du patrimoine

Conseiller scientifique : Vikas Harish, historien d’art et muséologue

Nombre d’œuvres : 400

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°325 du 14 mai 2010, avec le titre suivant : Les peuples de toujours

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