Ostende

Les journées fauves de Rick Wouters

Une rétrospective réussie

Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1994 - 518 mots

Après la publication de la correspondance de Rick Wouters (JdA n°4, juin), vient au Musée provincial d’art moderne d’Ostende une rétrospective qui permet de juger sur pièce la valeur d’une œuvre que l’histoire a étiquetée comme fauve.

OSTENDE - D’emblée, il faut saluer l’initiative, impossible sans la réalisation d’un catalogue raisonné mené à bien par l’expert Olivier Bertrand. En effet, à côté des toiles venues de musées belges et étrangers, les cimaises ostendaises s’enorgueillissent de pièces sorties de collections privées suisses, anglaises, néerlandaises, américaines et évidemment belges qui n’ont plus été vues depuis 1966, voire 1947.

Riche de 235 œuvres, la manifestation prend donc une signification d’autant plus importante que la réputation de Wouters (1882 - 1916) a pris en Belgique une signification historique, consacrée par de nombreux ouvrages, sans que le jugement puisse jusqu’ici être rapporté à un ensemble aussi conséquent d’œuvres.

Le musée d’Ostende impose régulièrement aux spectateurs des accrochages surchargés qui desservent l’artiste plus qu’ils ne le grandissent : Constant Permeke et Gust De Smet en avaient fait les frais. Cette illusion d’exhaustivité s’exprimant généralement dans une totale absence de sens critique, on pouvait craindre cette rétrospective Wouters. Le musée d’Ostende présente ici un ensemble cohérent correctement installé.

On regrettera néanmoins l’usage exclusif du néerlandais, qui prive une large part du public de toute information. Sur deux étages, le conservateur, et aussi commissaire de l’exposition, Willy Van den Bussche met en scène la progression d’une œuvre, sans chercher les ruptures, les surprises. La puissance de Wouters et son hédonisme viscéral en sortent magnifiés.

Après avoir associé la lumière colorée aux joies de la vie du couple, Wouters trouva sa densité dramatique sous la double conjonction de la maladie et de la guerre. Paysages, portraits, scènes quotidiennes sont prétextes à l’inscription de l’image dans l’éphémère lumineux. Loin de rechercher, comme Matisse, la densité plastique dans l’équilibre décoratif, Wouters module dans la gamme impressionniste une recherche de la sensation plus proche de Cézanne que des fauves.

Face aux œuvres, on sent la fragilité d’une telle démarche qui doit tout à l’éphémère. Certaines n’échappent pas à la redite, à l’imperfection, à la facilité. Si l’échec fait partie intégrante de la recherche, le succès est aussi au rendez-vous lorsque les éléments se conjuguent pour que le geste et la couleur trouvent leur pleine mesure face au réel transfiguré. Avec la guerre et la mort prochaine, l’œuvre se transforme.

Le noir prend une signification tragique et sublime. La joie reflue dans le souvenir, l’incertitude envahit la palette, le geste est moins léger : il exhale l’angoisse et la détresse.

L’exposition est belle. Elle réjouira le spectateur et permettra de réviser la situation de Wouters dans un contexte belge qui, avant lui, n’avait jamais partagé le goût impressionniste d’associer couleur pure et lumière. Dommage que le catalogue, pauvre en textes, n’en ait pas proposé une lecture.

\"Rick Wouters\"

Ostende, Musée provincial d’art moderne, jusqu’au 25 septembre. Tous les jours, sauf les lundi et jours fériés, de 12 à 18 heures. Catalogue : 1250 FB. L’exposition sera présentée du 7 octobre au 9 janvier à Venlo (Pays-Bas), au Musée Van Bonmel Van Dam.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Les journées fauves de Rick Wouters

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