Fondation Maeght

Georges Braque : l’art de la circonspection

La première rétrospective en France depuis 1973

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1994 - 355 mots

Georges Braque est célébré à Saint-Paul-de-Vence par une impeccable rétrospective qui décline toutes les périodes du peintre, depuis les premiers paysages jusqu’aux œuvres intimistes des dernières années.

Nice - La Fondation Maeght a choisi de célébrer le trentième anniversaire de sa création avec une rétrospective Georges Braque, qui fut longtemps un habitué des lieux. Déplorant le manque d’intérêt des institutions nationales, Jean-Louis Prat a donc réuni cent-vingt œuvres qui reconstituent un parcours certainement exemplaire, mais le plus souvent atone et dépourvu de passion.

La peinture fauve de Braque reste, par rapport à celle de ses coreligionnaires, aussi sage que l’emploi des couleurs vives le permet. À l’exception de quelques fulgurances, dont Braque semble s’excuser, les tableaux conservent le ton de la modération. L’intermède cézannien, qui conduira tout droit à l’élaboration du cubisme, est également contenu et précautionneux, comme s’il était impossible à l’artiste d’exprimer plusieurs choses à la fois et de dépasser les contingences du plan.

Le secret de Braque
De telle sorte que c’est au cours de la période du cubisme analytique que Braque tient au mieux son emploi, avec une sûreté et une confiance qui ne se voient jamais démenties. Rien n’échappe au programme esthétique dont il finira pourtant par s’écarter pour, espère-t-on, élaborer son propre style. Mais le souci de la maîtrise et le principe de cohérence sont trop puissants pour que les audaces qui sont alors les siennes trouvent leur véritable ampleur.

Jean Paulhan soupçonnait un secret dans la peinture de Braque et jugeait l’œuvre "à la fois pleine et suffisante : fluide (sans qu’il y ait besoin d’air); rayonnante (sans la moindre source de lumière) ; dramatique (sans prétexte); à la fois attentive et quiète." Ni air, ni lumière en effet, comme si l’espace ne devait jamais s’imposer, comme si le temps lui-même ne pouvait avoir de prise sur une peinture immobile.

L’aiguillon du destin fait cruellement défaut dans l’œuvre de Georges Braque. Et, en dépit de l’habile accrochage qui met en valeur l’extraordinaire variété du vocabulaire, on regrette que la circonspection dont l’artiste fit preuve toute sa vie lui interdît toute grandeur.

\"Rétrospective Georges Braque\"

Fondation Maeght, jusqu’au 15 octobre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Georges Braque : l’art de la circonspection

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