Paris

Drouot démarre

Le fonds Rudier, des dessins anciens, art oriental, la collection Cornette de Saint-Cyr

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1994 - 1116 mots

La véritable rentrée s’effectue à Paris en octobre, avec des ventes d’une très grande variété et quelques vacations d’une qualité toute particulière, qui visent autant l’amateur et le collectionneur spécialisé que le marchand.

PARIS - Feuilles d’automne, le mois d’octobre verra deux ventes exceptionnelles de dessins : le 20, Me Jean-Louis Picard mettra sous le marteau 140 dessins qui proviennent, pour la plupart, de trois collections privées. Principalement du XVIIIe siècle, les lots comprennent deux études de guitariste à la sanguine par Watteau, de la collection Galichon, estimées à 600 000 francs, Vue de Ronciglione d’Honoré Fragonard, estimée à 300 000 francs, deux dessins d’Hubert Robert, Le château de Casa Nove estimé 120 000 francs et Femme et enfant à la fenêtre, estimé 100 000 francs. Passeront également sous le marteau Le jeune dénicheur de François Boucher, estimé 80 000 francs, et des œuvres de Domenico Tiepolo, Giacomo Guardi, Charles-Nicolas Cochin et Nicolas Robert.

Le 28 octobre, Me Jacques Tajan dispersera une très remarquable collection belge comprenant soixante dessins de trente-six artistes, en majorité des écoles hollandaises et flamandes. Les pedigrees sont exemplaires puisque tous les lots avaient été achetés dans deux grandes ventes, celle de la collection Oppenheimer, en 1936, et celle de la collection Mensing, en 1937. Parmi les œuvres, estimées entre 10 000 francs et 200 000 francs, figurent des paysages de Philips Konik, de Van Goyen, de Peter Molyn, et de Lambert Doomer, dont une Vue du château d’Amboise et des bords de Loire, estimée entre 150 000 et 200 000 francs.

Un morceau de Rodin
Les dessins de Me Picard du 20 octobre sont tous, ce qui est peu habituel, joliment encadrés. Tout aussi rares sont les occasions d’acquérir de beaux cadres en vente publique : près de trois cents modèles figureront dans la vente organisée le 14 octobre par Mes Étienne et Damien Libert et Alain Castor, assistés de l’expert Vincent Guerre. La vacation comprendra des cadres à baguettes XIXe siècle, estimés seulement entre 300 et 500 francs, des modèles italiens et espagnols des XVIIe et XVIIIe siècle, et, du siècle dernier, des "Barbizon", des cadres à canneaux, et des modèles "orientalistes".

Les trois vedettes de la vente sont un cadre en bois sculpté et doré, aux armes de la famille d’Orléans, estimé entre 100 000 et 120 000 francs, et deux cadres en bois sculpté et doré – l’un, par Jean-Baptiste Tilliard, est estimé à 150 000 francs et l’autre, d’époque Louis XIV, entre 150 000 et 200 000 francs.

Un morceau de Rodin pour seulement 30 000 francs ? Des fragments de bronzes posthumes "par ou attribués à" une trentaine d’artistes – dont l’auteur du Penseur –, des moulages, des plâtres et des maîtres plâtres ayant servi à fabriquer des fontes en bronze, figureront dans la vente du stock de la fonderie Georges Rudier, qui sera dirigée par Me Anne Gillet-Seurat à Nanterre le 20 octobre.

Plus de cent soixante-dix lots en tout, en provenance de la célèbre fonderie de la famille Rudier, mise en liquidation en octobre 1993, seront présentés, sans prix de réserve à cause de la nature judiciaire de la vacation. De Rodin, Me Anne Gillet-Seurat mettra sous le marteau les maîtres plâtres de Saint Jean Baptiste et de la tête du Penseur, un plâtre fragmenté de l’Âge d’airain, ainsi qu’une fonte inachevée et sans patine du Baiser.

L’éclectique Cornette de Saint-Cyr
Presque la moitié des lots dans la vente d’art oriental de Me Claude Boisgirard, qui aura lieu le 7 octobre, provient d’une même collection française, constituée entre les années trente et les années cinquante. Elle comprend des céramiques, dont notamment des plats, des coupes et de très beaux carreaux lustrés, ainsi que des objets pour érudits, tels ces deux plaques de minbar de la mosquée Ibn Touloun du Caire de 1296, dont le Musée du Louvre possède déjà quatre morceaux. En bois d’ébène sculpté, elles sont estimées entre seulement 5 000 et 6 000 francs.

La lampe sépulcrale en verre émaillé, estimée autour de 700 000 à 1 000 000 francs, comporte une inscription au nom de l’émir Arghun Al-Nasiri, et ressemble fort à d’autres lampes mameloukes du XIVe siècle qui ont obtenu des prix comparables en France ces dernières années. Or, la lampe ayant été le sujet d’une polémique pendant les années trente, la notice du catalogue fait part des réserves émises alors par l’orientaliste Gaston Wiet, qui avait relevé des anomalies épigraphiques, et l’expert Annie Kevorkian ne lui attribue aucune date.

La vente d’art contemporain que Me Guy Loudmer organise chaque année lors de la Fiac, aura lieu en deux parties le 12 octobre. Avec 200 lots et une estimation globale entre 6 et 7 millions de francs, elle comprendra, entre autres, des toiles de l’École de Paris des années cinquante, des support-surface, et des tableaux d’artistes sud-américains tels que Matta et Segui. La vente des tableaux modernes du commissaire-priseur Me Pierre Cornette de Saint-Cyr, par Mes Christian de Quay et Francis Lombrail, aura lieu le 17 octobre à Drouot-Montaigne.

Les 135 lots, par plus de 80 artistes, en grande partie des œuvres sur papier avec une estimation globale entre 2,5 et 3 millions de francs, seront exposées avant à la Fondation Cartier, boulevard Raspail. Éclectique, Me Cornette de Saint-Cyr achetaient aussi bien des toiles de Jean-Pierre Pincemin et d’Antoni Tapiès (quatre lots, dont trois estimés à environ 30 000 francs, et Sans titre, à 180 000–220 000 francs), ou de Joseph Beuys. De nombreuses estimations autour de seulement quelques dizaines de milliers de francs, les lots les plus chers étant, de loin, Two colored Marylin 1980, d’Andy Warhol (350 000-550 000 francs), et Freddie 1984, de Jean-Michel Basquiat (400 000-600 000 francs).

Tsuba et kozuka
Le 11 octobre, à Drouot-Montaigne, Me Watine-Arnault et Mes Libert et Castor, mettront en vente une centaine de bijoux Chaumet & Cie., Destinée à payer les créanciers de la maison de Jacques et Pierre Chaumet, la vente ne comprendra aucune des pièces historiques qui avaient fait la gloire de la maison, mais des bijoux modernes et parfois spectaculaires. Les 13 et 14 octobre, Me Tajan tiendra la deuxième vente du stock d’objets d’Extrême-Orient de la galerie parisienne Perret-Vibert.

Elle comprendra, plutôt que de véritables pièces de collection, des objets fort décoratifs estimés autour de 2 000 000 francs au total : de la céramique chinoise coréenne et japonaise, ainsi que des pierres dures, des meubles, et des paravents. Me Picard, en revanche, visera des collectionneurs très spécialisés avec sa vente des 10 et 11 octobre, qui comprendra pas moins de 360 lots de tsuba, ou garde de sabre japonais, et de kozuka, les manches de couteaux que les guerriers nippons glissaient dans leurs fourreaux de sabre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Drouot démarre

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