Belgique

Christie’s et Sotheby’s tissent leurs toiles

Des bureaux plutôt que des salles de vente

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1994 - 698 mots

La récente nomination de Bernard de Launoit à la tête de Christie’s Belgique est l’occasion de faire le point sur la présence des grandes maisons britanniques à Bruxelles. Dans un pays où les ventes sont grevées de 12 % de taxes (6 % de TVA et 6 % de droits de suite), Christie’s et Sotheby’s ont préféré ne pas ouvrir de salles, mais des bureaux chargés de prospecter la Belgique, dont on connaît la richesse en collections privées.dera

BRUXELLES - De tout temps, le Belge a été collectionneur. Il aime la peinture et l’orfèvrerie – l’argenterie belge est parmi les plus cotées –, achète, revend, échange, et se déplace avec d’autant plus d’aisance qu’il trouve à l’étranger une discrétion salutaire vis-à-vis du fisc. Le Belge, même s’il ne participe pas aux enchères les plus hautes, est à la fois un acheteur courtisé et un réservoir d’œuvres à prospecter. Sotheby’s et Christie’s développent à Bruxelles une politique qui veut casser leur image de salles de vente aux prix records.

De part et d’autre, de Bernard de Launois à Henry de Limburg Stirum, directeur de Sotheby’s Belgique, on entend élargir le champ d’investigation pour répondre à l’augmentation générale du volume des ventes. On ne vend pas que des chefs-d’œuvre, mais on reste sélectif quant aux pièces retenues. La ligne de partage reste ténue. Le critère de sélection semble pourtant simple : on accepte chez Sotheby’s ce qui se vendra mieux à l’étranger qu’en Belgique. Christie’s, arguant du fait qu’en période de crise seules les pièces de qualité trouvent preneur, va dans le même sens. Toutefois, si les responsables de Sotheby’s restent attachés à la valeur internationale des pièces proposées, ceux de Christie’s s’intéressent de plus en plus à des ensembles de qualité, quoique d’intérêt local.

L’assiduité des acheteurs belges à Amsterdam explique sans doute ceci. Les ventes typiquement belges restent rares. Citons, à titre d’exemple, celle organisée par Christie’s en octobre 1988. Pareille manifestation ne se justifie qu’en fonction d’ensembles exceptionnels. Par contre, les ventes à Londres, New York ou Amsterdam présentent régulièrement des œuvres sorties de Belgique avec d’autant plus de facilité qu’aucune législation efficiente n’est venue protéger un patrimoine déjà largement disséminé. Actuellement, sous l’impulsion des communautés européennes, un certificat est devenu nécessaire à l’exportation. Dans les faits, l’absence d’inventaire et la discrétion des collectionneurs rendent le contrôle difficile.

Christie’s et Sotheby’s prospectent les vendeurs et conseillent leurs clients. Elles comptent parmi les rares salles de vente belges à assurer un suivi après vente. Au même titre que les salles de vente Horta, De Vuyst ou Campo, elles veillent à la promotion du patrimoine de leurs clients et à leur information permanente. L’ambition pédagogique se mêle au désir de faire mieux connaître l’activité de maisons qui, en Angleterre, font partie du paysage quotidien de la cité. Christie’s et Sotheby’s ont organisé des expositions, des conférences et des déjeuners-débats. Pour Bernard de Launois, il y a là un potentiel à développer.

Christie’s a un potentiel d’experts et d’œuvres qui doivent servir la promotion de la maison auprès d’un large public qui n’en a retenu que les montants astronomiques atteints par quelques rares chefs-d’œuvre. La direction londonienne de Christie’s a ainsi décidé d’organiser une fois par an, en Belgique, une présentation d’œuvres internationales. La première s’est tenue les 17 et 18 juin dernier, dans les locaux de la Banque Bruxelles Lambert. L’intention est claire : profiter de pièces exceptionnelles pour créer l’événement et attirer un large public qui découvrira Christie’s et s’adressera peut-être un jour à ses services. Chez Sotheby’s, on insiste sur le travail d’inventaire que les maisons de vente peuvent réaliser afin de favoriser leur prospection, mais aussi pour offrir aux propriétaires une connaissance de leur patrimoine.

Ainsi, les grandes maisons britanniques amorcent-elles un léger virage qui vise à mieux pénétrer la scène belge et à s’y implanter plus profondément. La gageure réside dans la combinaison d’une image internationale fondée sur une stricte sélection et l’ancrage dans un pays où, en l’absence de ventes, Christie’s et Sotheby’s passent essentiellement pour des dénicheurs. Car, comme le signale Henry de Limburg Stirum, les salles de vente restent les seules à faire de la publicité pour pousser les clients à vendre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Christie’s et Sotheby’s tissent leurs toiles

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