Parcours chinois

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2010 - 508 mots

« En Chine, tout est possible, mais tout est compliqué. » Tel est le constat de Jérôme Sans, directeur artistique du Ullens Center for Contemporary Art (UCCA), à Pékin.

Effectivement, pour s’attaquer au marché chinois, il faut allier énergie et diplomatie. Le galeriste parisien Jean-Gabriel Mitterrand n’en manque pas. Pas plus que de patience. Voilà quinze ans, il a ouvert un bureau à Taïpeh avec un partenaire chinois, Hugo Liao, avant de déplacer dernièrement ses activités à Shanghaï.

De fil en aiguille, il a réussi à vendre un Penseur de Rodin, à installer une fontaine de Pol Bury ainsi que des éoliennes de Takis au Musée des sciences de Taïpeh, et à céder voilà trois ans des sculptures des Lalanne à l’entreprise chinoise Tomson. Un début prometteur, mais qui ne présageait pas de l’ampleur du projet de sculptures monumentales « Art for The World », installé au sein de « World Expo » à Shanghaï. Une opération qui relève aussi bien du parcours du combattant que du chemin de croix. Tergiversations, précipitations et coupes budgétaires ont failli avoir raison des nerfs des organisateurs français. Première étape, vaincre les cinquante-neuf autres compétiteurs.

Pour cela, le marchand parisien avait dans sa botte secrète le curateur Ami Barak. Seconde étape, faire de nécessité vertu. L’ambitieux projet initial de quarante sculptures a été divisé par deux, tout comme le budget, ramené au final à 2 millions d’euros, dont 700 000 euros pris en charge par les sponsors, Erdos, Martell et Tomson. Cette levée de fonds fut d’autant plus ardue que beaucoup de mécènes potentiels étaient déjà réquisitionnés par les pavillons nationaux de « World Expo ». La forte baisse budgétaire excluait de fait les productions trop coûteuses.

Le jury chinois a, lui, mis son veto sur quelques pièces déjà existantes, comme les Doubles Appâts de Huang Yong Ping, artiste considéré comme activiste politique (!). Il n’a pas voulu non plus de l’avion militaire J-10 de Wang Du, ni de la représentation d’un avion écrasé, le Bourek d’Adel Abdessemed. Parmi les vingt sculptures finales, réalisées notamment par Xavier Veilhan, Mircea Cantor ou Zhang Huan, tout n’est pas exceptionnel.

Certaines œuvres manquent de visibilité, cachées dans des puits de lumière. D’autres sont écrasées par les dimensions maximalistes du site. Mais le niveau est bien supérieur à tout ce qui a pu être organisé jusqu’à présent en Chine. La galerie a d’ailleurs tenu à présenter dans le catalogue de l’exposition toutes les pièces initialement prévues. Une façon de montrer aux municipalités ou entreprises locales le savoir-faire français.

La Ville de Suzhou a, depuis, approché Jean-Gabriel Mitterrand pour un projet en 2011. « Ce que je veux, c’est trouver des opportunités de commande pour les artistes européens en Chine », indique le marchand. Et d’ajouter : « Le projet d’“Art for the World” aurait été imaginable voilà quinze ans, mais cela ne se serait pas fait avec une vision internationale. Les organisateurs de “World Expo” voulaient absolument des artistes actifs, et que la moitié d’entre eux soient étrangers. » Et cette xénophilie, effectivement, est une première.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Parcours chinois

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