Art contemporain

Paroles d’artiste - Bojan Sarcevic

« Ne pas distinguer entre ornement et structure »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2010 - 707 mots

SAINT-NAZAIRE

À l’honneur au Grand Café, à Saint-Nazaire, l’artiste Bojan Sarcevic déploie des œuvres tout en équilibre et en tension.

Une structure hybride évoquant l’architecture sans en être, des sculptures non fonctionnelles faisant penser à des étagères stylisées, des branches d’arbres sorties des murs dans lesquelles s’emmêlent des cheveux… Avec une grande poésie et une belle science du détail, Bojan Sarcevic (né en 1974 en ex-Yougoslavie) déploie des œuvres tout en équilibre et en tension. À voir au Grand Café, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

Votre œuvre est fondée formellement sur des références avant-gardistes, qu’elles soient artistiques ou architecturales. Envisagez-vous votre travail comme un déplacement afin de proposer une nouvelle lecture, bouleversée, de l’avant-garde ?
Il m’arrive de partir de références précises, et, pour certaines œuvres ici exposées, celles-ci sont identifiables. Mais n’est-ce pas un peu le destin de chaque œuvre d’art que de se trouver affiliée à un héritage ? Je ne crois pas que l’on puisse faire de l’art sans un possible attachement à quelque chose, comme, dans cette exposition, ces allusions claires à des architectures qui n’existent plus. Je ne tente pas de les copier ou de travailler un mimétisme. Il s’agit plutôt d’une relecture, d’une reconsidération, d’une certaine négociation par rapport à ce que j’ai vécu, à ce qui m’a imprégné. J’essaye d’« articuler » ce qui me marque.

Votre vocabulaire sculptural offre une lecture assez ambiguë. Keep the Illusion for the End, par exemple, n’est pas un dispositif architectural mais l’évoque à travers sa forme et ses matériaux, notamment le béton, ou le cuivre et le laiton très décoratifs. De même, vos « étagères » rappellent le mobilier sans toutefois entrer dans un rapport fonctionnel…
Ces pièces, que j’appelle les « étagères » et qui allient le cuivre et de très fines baguettes d’acier, sont venues d’une étagère que j’ai fait faire pour ma cuisine. Je me suis dit ensuite « pourquoi ne pas faire une structure qui serait autonome dans l’espace ? » Construire quelque chose qui ait un rapport à la rationalité, à la verticalité, mais aussi à la matière, en l’occurrence le cuivre, qui a une certaine présence visuelle grâce à la lumière issue de ses reflets.
Évidemment, on reconnaît les proportions d’une étagère ou d’une structure fonctionnelle, mais en même temps on sent très bien une tension car ces pièces sont prêtes à s’écrouler. Pour Keep the Illusion for the End, j’ai souhaité suggérer une sorte de profil ou de contour d’immeuble, mais en m’y appliquant d’une manière très ornementale, à l’aide de différents métaux, de bois et de béton…

La question ornementale est en effet très importante dans votre travail. Êtes-vous à la recherche d’une élégance formelle ?
Non, je cherche une certaine justesse de la forme. On peut peut-être voir cela dans les branches d’arbres sorties des murs [Presence at Night, 2010] : c’est une histoire de ligne. Si c’était fait d’une matière particulière, on pourrait parler d’ornement, mais il s’agit juste d’une forme assez chaotique, arbitraire, qui est effectivement élégante grâce à ses proportions et une finesse de lignes. L’ornement est pour moi la question qui est présente en soi, exactement comme celle de la structure. Il s’agit d’une surface.
Dans la peinture, on a un rapport à la surface, avec les aplats de couleur notamment. Il y a peut-être une manière picturale d’approcher la structure en deux dimensions, à travers l’ornement. C’est ce qui m’intéresse. J’essaye de plus en plus de ne pas distinguer entre ornement et structure. Par exemple, la forme des étagères peut être dite ornementale, notamment en raison du croisement des lignes noires ; on peut dire que c’est une structure ornementale !

Dans les branches d’arbres sont attachés des cheveux, et l’on ressent ici une tension et un équilibre. Ces deux notions sont-elles importantes ?
Je ne cherche pas principalement ce rapport. Cela vient toujours après coup, alors que je réalise que les œuvres ont une dimension très fragile, délicate, éphémère presque. Et puis l’idée de tension, une sorte de transversale avec un fil ou un cheveu, crée un dynamisme géométrique et visuel ; une ligne de dessin.

BOJAN SARCEVIC. ÉVENTUELLEMENT, jusqu’au 6 juin, Le Grand Café, place des Quatre-z’Horloges, 44600 Saint-Nazaire, tél. 02 44 73 44 00, www.grandcafe-saintnazaire.fr, tlj sauf lundi 14h-19h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Paroles d’artiste - Bojan Sarcevic

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