Un tour des galeries

New York : Antoine-Louis Barye chez Wildenstein New York : Antoine-Louis Barye chez Wildenstein

Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1994 - 1068 mots

Né tout à la fin du XVIIIe siècle, Antoine-Louis Barye fut, à quelques années près, le contemporain de Delacroix. Grands amis, ils passaient souvent de longues heures à croquer les lions et les ours du Jardin des Plantes. L’exacte restitution de l’anatomie animale devint une obsession chez Barye, qui produisit, sa vie durant, une profusion de bronzes dans une quantité de formats, de l’infime au gigantesque.

On connaît beaucoup moins ses huiles et ses aquarelles d’animaux, lacune qu’entend combler Wildenstein & Co ce mois-ci avec "The Wild Kingdom of Antoine-Louis Barye". Ce royaume sauvage présente un grand nombre de ses peintures et plus d’un tiers de ses aquarelles, ainsi qu’une quantité d’études et d’esquisses préparatoires.

La plupart ont été prêtées par quatre collections américaines particulièrement riches en œuvres de Barye : la Walters Art Gallery, les musées de Brooklyn et de Baltimore, et le Metropolitan. Les recettes iront à la Wildlife Conservation Society, qui a son siège au zoo du Bronx. Les deux cent soixante-six projets sur le terrain, mis en œuvre dans quarante-six pays par cette institution, contribuent à la préservation de la faune sauvage et de ses habitats (4 novembre-9 décembre).

Dans l’art contemporain, les animaux sont réduits à la portion congrue. Le cheval offre un champ d’explorations plastiques illimité à Deborah Butterfield, ainsi qu’à Susan Rothenberg. Celle-ci s’est tournée vers d’autres thèmes, notamment le corps humain et ses composantes, mais depuis qu’elle vit dans un ranch de plus de deux cents hectares au Nouveau-Mexique, les animaux réinvestissent son œuvre. On verra ses nouvelles peintures – de tous formats, y compris de très grandes – à la galerie Sperone-Westwater (jusqu’à la fin décembre).

Le corps humain et ses composantes semblent d’ailleurs avoir essaimé un peu partout, ce mois-ci. Il ne faut pas y voir l’œuvre d’une tronçonneuse assassine, mais d’un groupe de peintres de tous âges. Du côté des jeunes, Jean-Charles Blais expose chez Schafrazi (jusqu’au 3 décembre) de grandes têtes noires découpées sur des fonds fluos ; et parmi les moins jeunes, Paul Cadmus fête son quatre-vingt-dixième aniversaire à la galerie Midtown Payson, avec un choix d’œuvres de sa longue carrière illustrant sa veine plus posée, plus lyrique.

Ce qui n’exclut pas, naturellement, un nu masculin à l’occasion. On peut en admirer un spécimen monumental dans l’exposition de Rainer Fetting – la première à New York depuis cinq ans –, une mini-rétrospective de ses peintures et gravures organisée par Grace Borgenicht (jusqu’au 16 novembre). Des figures consistant principalement en objets trouvés sur la plage se glissent dans les peintures et sculptures récentes de Kim McConnel chez Holly Solomon (12 novembre-10 décembre).

Billy Sullivan continue de sonder les eaux peu profondes de la haute café society bohème dans ses nouvelles toiles accrochées chez Fischbach (jusqu’au 19 novembre) ; Michael Hurson présente vingt-et-un dessins chez Paula Cooper, notamment des études de danseurs et de gens marchant dans les rues, et Kiki Smith donne le coup d’envoi de sa nouvelle association avec Pace en exposant des dessins récents où la figure est souvent présente. Ces deux dernières expositions jusqu’au 26 novembre.

Richard Diebenkorn a une solide réputation de peintre abstrait, mais pendant les années 50 et le début des années 60, lorsque les expressionnistes abstraits monopolisaient l’art d’avant-garde, lui faisait une œuvre figurative. Il a continué à alterner figuration et abstraction, avant de se ranger résolument dans le camp de celle-ci dans les dernières décennies de sa carrière. On se fera une idée des premières explorations de Diebenkorn – paysages, figures et natures mortes – chez Knœlder (3 novembre-3 décembre). Paul Georges a toujours été un peintre figuratif, bien que sa technique chargée de matière s’ancre dans l’expressionnisme abstrait. Salander-O’Reilly accroche les nouvelles toiles de ce vétéran du 1er au 26 novembre.

Si l’on pense à Roy Lichtenstein, on s’aperçoit qu’il a exploité à peu près tout le répertoire habituel des artistes, sauf le nu. Ceci jusqu’à il y a un an, où il s’est attaqué pour de bon au sujet. À quoi ressemble un nu de Lichtenstein ? Les fameux points rouges font-ils croire à une éruption cutanée ? À vérifier chez Castelli (du 19 novembre au 17 décembre).

Le jeu auquel s’est toujours livré Lichtenstein avec la notion de reproduction, correspond à l’entreprise pop qui s’employait à rendre l’art accessible à un autre public que celui des riches collectionneurs. D’où, entre autres, le raz-de-marée que connut la gravure pendant les années 60. Ses nouveaux produits – l’édition d’objets en trois dimensions – créèrent un néologisme : le multiple. La Marlborough Gallery célèbre "The Pop Image : Prints and Multiples" (9 novembre-3 décembre), qui met en lumière l’œuvre des défricheurs pop américains, mais aussi des artistes qui travaillaient en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne. Affiches, publicités de galeries et même couvertures de disques évoquent l’une des périodes les plus importantes de l’histoire de l’art récente.

Le texte et l’art cohabitent à St Etienne (15 novembre-17 janvier). Montée par Art Spiegelman (célèbre créateur de Maus), l’exposition réunit des artistes qui collaborèrent à Comix, le magazine de la contre-culture des années 60 de Robert Crumb. On y trouve des illustrations de Crumb, de Spiegelman, de Javier Mariscal (une novélisation d’un film de Pedro Almodovar), de Lorenzo Mattotti (une nouvelle de Robert Louis Stevenson) ainsi que celles de Jacques Tardi pour les deux romans de Céline.

On peut voir de nouvelles peintures abstraites irisées de Cora Cohen chez McCoy jusqu’au 3 décembre, et de Sara Sosony chez Weber jusqu’au 26 novembre. Mila Macek, artiste tchèque travaillant à New York, exécute de grandes toiles déployant de larges bandes de couleur chez Salvatore Ala (jusqu’au 26 novembre) et Ron Janowich poursuit son exploration du support excentré dans ses abstractions récentes visibles chez Pamela Auchencloss (jusqu’au 19 novembre). Pace expose des œuvres des débuts de Barnett Newman. "The Sublime is Now", qu’on a vue récemment au Walker Art Center de Minneapolis, regroupe des peintures et des dessins exécutés entre 1944 et 1949. Jeremy Strick a écrit un essai pour le catalogue (jusqu’au 26 décembre).

Matthew Marks inaugure ses énormes espaces du Downtown, 22e Rue, soigneusement dessinés par l’éminence grise du monde de l’art, Bill Katz. Pour l’occasion, Ellsworth Kelly a accepté d’exposer sa production des trois dernières années (jusqu’au 29 janvier). Et Thomas Nordanstad, transfuge de SoHo, inaugure ses nouveaux locaux au 195 Dixième Avenue, avec une exposition de peintures de Cheryl Donegan, Michael Joo et Spencer Finch. La vague de demain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : New York : Antoine-Louis Barye chez Wildenstein New York : Antoine-Louis Barye chez Wildenstein

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