Art contemporain

Poitiers

Une exposition à la mesure du réel

Les images de Jean-Luc Moulène au Confort Moderne

Par Pierre Leguillon · Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1994 - 490 mots

POITIERS

Jean-Luc Moulène, né en 1955, trouve avec l’entrepôt-galerie du Confort Moderne à Poitiers, l’espace propre à détailler sa série des Produits, photographies couleurs agrandies ici en 3 mètres par 4. La déambulation à travers ses Figures de Passage ne cesse d’interroger le réel, mais aussi son image.

POITIERS - Le parti de la simplicité, voire de l’évidence, pris lors de l’élaboration de cette exposition, est certainement pour une grande part dans son efficacité. Le fait d’avoir imprimé ces images en 3 m sur 4 aurait pu ne représenter qu’une alternative aux grands tirages cibachromes des années 80, et retomber dans un autre type de maniérisme. Mais, à aucun moment, Moulène ne laisse apparaître de quelconques effets au-delà de ses images, tant lors de leur prise de vue que dans leur présentation. L’artiste reste en retrait, ses images sont ouvertes à toutes les lectures, toutes les combinaisons, elles sont généreuses par nature.

Le voyeurisme contenu dans toute photographie est chose admise, et pourtant ici, on a toujours le sentiment d’une réalité consentante ; qu’en le regardant en face, le réel ne demanderait qu’à s’afficher. Les natures mortes ne jouent pas sur une observation accrue du détail, sur une sublimation de l’infiniment petit. Les nus et les portraits s’offrent au spectateur, sans renvoyer à aucun canon. D’ailleurs, il n’y pas ici de tentative pour orienter ce spectateur vers un autre degré que celui de la réalité de l’affiche, qui colle au mur, en six morceaux, en quatre couleurs. Les modèles (le quotidien de Moulène) sont aussi communs que le procédé d’accrochage lui-même. C’est comme si la fameuse distance chère aux théoriciens de la photographie se voyait enfin réduite.

Moulène n’impose aucune hiérarchisation dans l’ordre de ses sujets. Si le format et la répartition des images dans les salles (figures humaines, natures mortes, paysages), renvoient à l’accrochage des peintures d’histoire, il s’agit davantage ici d’une histoire en devenir. Par ailleurs, il n’est pas interdit de toucher, et l’aspect transitoire des images, focalise le regard sur le geste d’un modèle vers le spectateur, ou sur la chair d’un pamplemousse.

Les salles communiquent entre elles. Ainsi, si le spectateur va chercher le repos dans la salle des paysages, son champ de vision croise toujours un grand nu ou des objets. Ce parcours est donc à apprécier dans ses multiples dimensions, ainsi qu’en attestent d’ailleurs les témoignages laissés par un public apparemment très élargi.

À travers cette exposition, on peut saluer l’engagement du Confort Moderne, qui fait le choix d’organiser moins d’expositions mais laisse les projets exister dans toute leur dimension.

Le rapprochement peut paraître hasardeux, mais tout comme l’exposition de James Turell, l’exposition de Jean-Luc Moulène laisse place, avant le discours esthétique, à l’expérience du spectateur.

"Figures de Passage". L’exposition est visible jusqu’à fin novembre avant chaque concert, ou sur demande, au 49 46 08 08, 185 Fbg du Pont-Neuf 86000 Poitiers. Le catalogue (48 p.) comprend des textes de Dominique Truco et Jean-François Chevrier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : Une exposition à la mesure du réel

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