Belgique

Le sponsoring sous le masque du mécénat

Le monde bancaire principal interlocuteur de la vie culturelle

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 646 mots

Le mécénat d’entreprise a connu en Belgique un essor considérable durant les années quatre-vingt. Auparavant, seul le secteur bancaire avait développé dès les années soixante une politique culturelle qui répondait à des objectifs divers : image de marque pour la Banque Bruxelles Lambert, identification symbolique d’un lieu pour la Caisse générale d’épargne et de retraite, présence affirmée dans les initiatives locales pour le Crédit communal.

BRUXELLES - L’évolution de la société a conduit nombre d’entreprises a soutenir des activités culturelles. Quelques industriels ont développé des collections d’entreprise, comme Jean-Pierre Bergmans, dont l’investis­sement personnel a conduit sa société à constituer une des plus intéressantes collections de photographie contemporaine en Belgique (le JdA n° 2, avril). Paradoxalement, ce genre d’entrepreneur reste très discret.

Pour beaucoup, l’implication culturelle a été synonyme d’image de marque. Ainsi, Lilly, un des piliers de l’industrie pharmaceutique spécialisé dans le domaine psychiatrique, a-t-il soutenu l’exposition Le Sphinx de Vienne consacrée à Freud, et présentée au Musée d’Ixelles il y a deux ans. De telles affinités restent rares. En Belgique comme ailleurs, le sponsoring s’est structuré. Des fondations se sont constituées au nord et au sud du pays.

La Stichting voor Kunstpromotie et la Fondation Prométhéa réunissent des entreprises qui se fédèrent pour soutenir des projets généralement lourds. En matière d’arts plastiques, ces regroupements n’ont pas encore porté leurs fruits. De tels intermédiaires, souvent gourmands – ils prennent en moyenne entre 20 et 25 % du budget réuni –, se sont multipliés au fil des années quatre-vingt. Leur efficacité reste toujours à démontrer.

L’événement est privilégié
Comment évaluer le soutien des entreprises ? D’emblée, l’apport, s’il n’est pas totalement pris en charge – ce que seules de grandes entreprises peuvent se permettre, comme Tractebel, IBM ou Belgacom –, reste souvent marginal. La multiplication des sponsors aboutit généralement à une dilution de l’impact. La prise en charge, financière ou logistique, se double de contreparties parfois importantes pour des initiatives modestes ou pionnières : soirées réservées, lots de catalogues, avantages divers. Ce mode de service tend actuellement à se développer.

Une grande partie des "investisseurs culturels" a déserté la scène artistique lorsque la crise a commencé à frapper. La plupart des collections d’entreprises belges sont gelées ; quelques banques, comme la Caisse générale d’épargne et de retraite, ont renoncé à poursuivre leurs activités culturelles ; les budgets destinés à la culture ont été orientés vers d’autres postes. La situation semble d’autant plus criti­que que le repli des industriels a coïncidé avec une multiplication des demandes, jusqu’à vingt dossiers par jour pour le seul Crédit communal. Les soutiens se sont fait rares, à l’exception des grosses machineries média­tiques qui catalysent à elles seules l’essentiel du sponsoring.

En 1993, Anvers, capitale européenne de la culture, a drainé la quasi totalité des moyens, sans pour autant convaincre quant à la qualité des manifestations proposées. Le cas d’Europalia se révèle tout aussi problématique. Formé en fondation ou en association sans but lucratif, ce type d’initiative relève en fait plus d’une industrie culturelle que d’une recherche artistique ou scientifique.

Cette politique a son revers. Elle ne privilégie que l’événement. La création contem­poraine en est aussi absente que la recherche scientifique. L’une et l’autre paraissent sans doute trop élitistes. Confondant promotion et mécénat, la majeure partie des entreprises a réorienté sa politique d’investissement culturel. La Banque Bruxelles Lambert qui, durant plusieurs années, a accordé son appui à l’Atelier 340, espace de recherche et d’expérimentation sur la sculpture contemporaine, se tourne désormais de préférence vers le sport.

Ce dernier constitue une réelle menace. La Loterie nationale, sans doute le premier sponsor de Belgique, semble désormais moins actif sur le plan culturel que dans le domaine sportif. Le monde bancaire reste aujourd’hui le principal interlocuteur de la vie culturelle. La rétrospective Memling n’aurait pu voir le jour sans la Kredietbank, et le Crédit communal apparaît comme un partenaire privilégié des musées et de la recherche scientifique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Le sponsoring sous le masque du mécénat

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