Paris

Sauvage : éloge du compromis

Création architecturale et réglementation

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 479 mots

L’absence de dogmatisme et une souplesse toute pragmatique ont peut-être contribué à la méconnaissance de l’œuvre de Sauvage, l’un des protagonistes de l’architecture moderne. Les Archives de Paris et le travail monographique de Jean-Baptiste Minnaert rendent enfin hommage à un architecte qui sut adapter des idées parfois hardies aux règles draconiennes d’une ville \"habitée\".

PARIS - Henri Sauvage est connu surtout pour le bel ensemble du 26 de la rue Vavin : terrasses à gradins et carreaux "métro" égayés de quelques points bleus rythmant la blancheur de la façade. Les Archives de Paris ont le mérite de lui rendre un rôle de premier plan dans le panorama architectural du début du siècle, en montrant ses créations parisiennes et en mettant l’accent sur le dialogue fructueux que l’architecte entretint avec la Ville.

Parcours obligés : à l’un de proposer des solutions nouvelles, et parfois hasardeuses, aux problèmes de l’habitat, aux commissions de la Voirie d’opposer un bon sens correspondant bien à celui de l’usager, méfiant envers un "moderne" qui remplacerait le tranquille alignement auquel le baron Haussmann l’avait habitué.

Un goût d’utopie
Si les Archives exposent le va-et-vient de projets et schémas explicatifs par lesquels Sauvage justifiait et modérait son propos, l’Institut français d’architecture prête des dessins admirables d’immeubles où le gigantisme et la monumentalité finissent par absorber et symboliser la Ville toute entière : projets restés sur papier d’un "Giant Hôtel" (1927), d’un "Immeuble Metropolis" (1928), d’une place de la Victoire à la porte Maillot (1931).

Dans la salle d’exposition, quelques pas séparent ces esquisses – où pointe le délire futuriste – des plans moins immédiatement alléchants de l’HBM (Habitation bon marché) de la rue Trétaigne (1903), le premier de tant d’exemples parfaits de bonne entente entre la Ville et l’Architecte ; l’enseigne de l’université populaire "La Prolétarienne", installée au rez-de-chaussée, et les "jardins suspendus" dont les habitants avaient la jouissance commune, gardent un goût d’utopie quelque peu débonnaire et fin-de-siècle, certes moins autoritaire que celle des "Cités Radieuses" chères à Le Corbusier.

La Ville de Paris, hôte discret de son contradicteur d’antan, ferait-elle planer sur le spectateur le doute d’une méfiance clairvoyante ? Il n’en reste pas moins que, mis à part les projets spectaculaires et non réalisés des dernières années – suscités par le climat de compétition animé, dans les années vingt, par les architectes-stars Le Corbusier et Perret, comme l’a remarqué l’historien de l’architecture François Loyer –, l’originalité de Sauvage est toute dans sa capacité de dialogue avec la tradition haussmannienne et avec la ville réelle, celle des maisons de rapport dont les Archives de Paris montrent tant d’exemples, coupes et plans soigneusement "rédigés", et autant soigneusement "corrigés" par les architectes voyers, ceux de la voirie.

"Henri Sauvage 1873-1832, projets et architectures à Paris", Archives de Paris, 18, boulevard Sérurier, 75019 Paris, jusqu’au 31 décembre 1994. Numéro spécial de Colonnes, Institut français d’architecture, n° 6, septembre 1994

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Sauvage : éloge du compromis

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