Les ventes aux enchères dans le monde, résultats et commentaires

Brillante réussite pour Houghton

Londres, art ancien

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 1096 mots

La vente des collections du château de Houghton – construit par Sir Robert Walpole dans le Norfolk en 1728 – organisée le 8 décembre chez Christie’s, au bénéfice des héritiers des familles Walpole, Rothschild, Sassoon et Cholmondeley, a connu un succès retentissant.

LONDRES - Sur les cent quarante-sept lots mis en vente – mobilier français et anglais, tableaux de maîtres anciens, porcelaine, argenterie et divers objets de famille –, neuf seulement n’ont pas trouvé preneur, et l’estimation initiale de Christie’s, environ 15 millions de livres, a été largement dépassée : le total des enchères, activement poussées par les collectionneurs américains, a atteint 21 268 295 livres (180 780 507 francs).

Dès le lancement de l’opération, Christie’s a orchestré une brillante stratégie de promotion. Les objets ont été exposés dans plusieurs villes, accompagnés d’agrandissements photographiques montrant les salles dans lesquelles ils se trouvaient auparavant… La presse a amplement couvert l’événement, et Christie’s s’est surpassé en éditant un catalogue complet et brillant, rempli de notes amusantes à propos d’Horace Walpole, de Houghton, des familles Cholmon­deley, Sassoon et Rothschild ; précisant les provenances, les artisans et les artistes. On y décrivait aussi, à titre de comparaison, des œuvres d’art autres que celles proposées à la vente.

La vente elle-même a été plutôt apathique, une bonne partie du public, où l’on reconnaissait de nombreux marchands, ayant pris place derrière la batterie de téléphones mis à disposition sur le bureau. Charles Allsop a dirigé les opérations en retardant volontairement le moment de l’adjudication des deux Natures mortes de fleurs de Jan van Os, qui ont provoqué une enchère record de 420 000 livres (3 570 000 francs), pour une estimation de 400 000 à 600 000 livres.

Lors de la dispersion des porcelaines et des objets décoratifs, Christie’s a obtenu des prix qui ridiculiseraient ceux qu’un marchand pourrait obtenir. Une paire de cygnes Louis XV en bronze doré, estimée 120 000 à 180 000 livres malgré quelques dommages, est partie à 370 000 livres (3 145 000 francs) ; le catalogue avait eu l’intelligence de mentionner qu’une paire de cygnes semblables figurait dans la collection de Mme de Pompadour, dans son hôtel d’Évreux. Une paire de vases Louis XV en forme de coquillage, en bronze doré et porcelaine bleu céleste de Sèvres, estimée 400 000/600 000 livres, a été vendue 1 926 500 livres (16 086 275 francs) : l’un d’eux présentait une réparation sur le couvercle, une mésaventure qui datait de l’époque où ils appartenaient à Mme Du Barry, autre favorite royale.

Une grande paire de vases Louis XVI, provenant peut-être de Russie, en bleu de Chine richement et lourdement décorés d’accessoires en or (têtes de soldats romains et pieds fourchus) a été vendue sur enchère téléphonique à 420 000 livres (3  570 000 francs), contre une estimation initiale de 200 000 à 300 000 livres. On proposait à la même estimation une paire d’aiguières George II (début XVIIIe), en jaspe monté sur or, avec décor de masques de satyres et autres motifs ; selon un marchand d’art quelque peu chauvin, c’étaient assurément les pièces les plus délicates de toute la vente. Après une lutte serrée avec le collectionneur canadien Herbert Black, l’ensemble a été adjugé sur enchère téléphonique à 1 150 000 livres (9 775 000 francs). L’argent massif et l’argenterie se sont bien vendus dans l’ensemble.

Un mobilier français exceptionnel
L’ensemble du mobilier a remporté un vif succès. Une remarquable paire de coffres de mariage Louis XIV, signés André-Charles Boulle, a été adjugée sur enchère téléphonique à 1 400 000 livres (11 900 000 francs), contre une estimation initiale de 400 000 à 600 000 livres. Une chiffonnière Louis XV de Sèvres, pourtant très abîmée (la finition de laque verte ayant été remplacée par une peinture verte dans les années soixante), est partie à 190 000 livres (1 615 000 francs), contre une estimation initiale de 50 000 à 80 000 livres. Le cabinet Louis XVI signé Baumhauer & Leleu, exécuté pour Lalive de Jully mais défiguré par les transformations réalisées pour le propriétaire suivant, le maréchal de Choiseul-Stainville, au XVIIIe siècle, a été adjugé sur enchère téléphonique à 820 000 livres (6 970 000 francs), contre une estimation initiale de 500 000 à 700 000 livres.

Les pièces de mobilier anglaises ont été les plus disputées, en particulier les meubles fabriqués spécialement pour la demeure. Une paire de chaises de salle à manger de la "suite Houghton", estimée 80 000/120 000 livres, a atteint 260 000 livres (2 210 000 francs) ; même enchère pour un fauteuil Georges II aux bras décorés de têtes d’aigle, attribué à Richard Roberts (estimation initiale 100 000 à 150 000 francs). Les deux paires de chaises de salle à manger Georges II dorées , de la série "au masque de satyre", ont provoqué d’âpres enchères entre les collectionneurs privés et la plupart des marchands londoniens ; elles sont parties à 300 000 et 360 000 livres (2 550 000 et 3 060 000 francs), contre une estimation initiale de 150 000 à 200 000 livres.

Dans le petit groupe de peintures, mentionnons le Viol d’Orithye, par Giovanni Battista Cipriani, dans un superbe cadre d’origine sculpté et doré, adjugé à Leger au prix record de 180 000 livres (1 530 000 francs), contre une estimation initiale de 20 000/30 000 livres. Agnew’s a acheté le panneau de Rubens représentant au recto Le mariage par procuration de la Princesse Marie de Médicis et du roi Henri IV et au verso Une chasse au Lion, pour 1 600 000 livres (13 360 000 francs) contre une estimation de 1 500 000/2 500 00 livres.

L’événement le plus attendu de la vente, une scène de genre exceptionnelle, La lecture de Molière de Jean François de Troy, a été achetée 3,6 millions de livres (30,6 millions de francs), contre une estimation de 3,5 millions de livres, par le marchand londonien Dickenson pour le compte du Musée Paul Getty, qui possède trois tableaux du peintre.

1. Paire de cygnes en bronze doré, Louis XV, Christie’s Houghton, 8 décembre, £408 500, 3 145 000 F, (Est. £120-180 000)

2. Paire d’aiguières George II, en jaspe "cailloux d’Egitto", montures en or, Christie’s Houghton, 8 décembre, £1 266 500, 9 755 000 F (Est. 200-300 000 £)

3. Jean-François de Troy, La lecture de Molière, 173(0?), 74 x 93 cm, £3 600 000, 30 600 000 F, Est. 3 500 000 £)

4. André-Charles Boulle, Paire de coffres de toilette (mariage) Louis XVI, marqueterie d’étain, cuivre et écaille, montures en bronze doré, £1 451 500, 11 900 000 F, (Est.£400-600 000)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Brillante réussite pour Houghton

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque