Ariccia

Le château neuf du Pape

Transformé par le Bernin en villa des princes de l’Église

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 664 mots

Un ambitieux programme de restauration projette d’aménager la somptueuse résidence du Pape Alexandre VII (1599-1667), agrandie par le Bernin, en musée abritant un Centre international d’études sur le baroque.

ARRICIA - En décembre 1988, le prince Chigi cédait son palais d’Ariccia à la municipalité pour sept milliards de lires (vingt-trois millions de francs), avancés par le département pour le Mezzogiorno. Depuis, six milliards supplémentaires (vingt millions de francs) ont été affectés à la restauration, qui est loin d’être achevée, de cet immense ensemble architectural.

L’ancienne propriété des Savelli d’Ariccia fut acquise en 1661 par Fabio Chigi, devenu en 1655 le 235e Pape, sous le nom d’Alexandre VII. Après avoir conçu les plans de l’église de l’Assomption, le Bernin (1598-1680) fut pressenti pour l’agrandissement du palais, originellement conçu comme un château fort et fermé par quatre tours d’angle. Il incita ses collaborateurs (son frère Louis, Mattia de Rossi et Carlo Fontana) à donner à la demeure sa structure actuelle qui intègre l’architecture à l’environnement, dans l’esprit des résidences secondaires de l’époque. La rénovation, commencée en 1667, dépassera le cadre du palais et des églises, inclura le bourg et même la création de routes pour relier les résidences du Pape (Castelgandolfo, Albano…) entre elles et à Rome.

Le Bernin, qui a également conçu la colonnade de Saint-Pierre-de-Rome à la demande d’Alexandre VII, a peint sur les murs de la chapelle une délicate sanguine de Saint Joseph et l’enfant Jésus ,(1663).

Selon Francesco Petrucci, qui dirige actuellement la restauration de l’édifice, c’est à Carlo Fontana que revient l’idée de la terrasse et des grandes loggias à balustrades donnant sur le parc boisé de vingt-huit hectares, ainsi que l’achèvement de la cour.

Un centre artistique de premier plan
Grâce aux commandes des neveux du Pape, le cardinal Flavio Chigi et le prince Agostino, le palais devint un centre artistique de tout premier plan au XVIIe siècle. De nos jours, les fresques des salles et l’imposante galerie de tableaux peuvent être considérées comme un témoignage exemplaire de la décoration intérieure d’une villa des princes de l’Église.

Au rez-de-chaussée, cinq pièces voûtées sont recouvertes de fresques du "Cavalier Tempesta". Certains salons, somptueusement meublés, conservent les précieux revêtements muraux de cuir frappés de dessins, ou "corami", selon une mode d’origine espagnole. D’autres curiosités sont conservées dans toute leur fraîcheur : le Cabinet des Dames, où figurent trente-sept portraits peints, pour la plupart, par Jacob Ferdinand Voet ; la galerie des "sœurs", qui réunit des portraits des filles du Prince Agostino et d’autres dames de la famille Chigi ; le Cabinet des Épices, dit "des petits portraits" et la pharmacie, où rien ne manque.

La décoration du grand salon
La magnifique collection de tableaux, inspirée par un goût naturaliste et sylvestre, est typique des maisons de campagne aristocratiques : on y retrouve des œuvres de Michele Pace, de Mario de Fiori, de Giovanni Maria Morandi, des petits paysages "capricci" de Giovanni de Monper et des allégories de l’atelier de Mola. La décoration du grand salon, décrite en 1705, est parvenue jusqu’à nous avec ses huit grandes toiles du Chevalier d’Arpin et une série de "vedute" retraçant des moments de la vie d’Alexandre VII et du cardinal Flavio. Parmi les auteurs des portraits des papes, figurent les peintres employés à cette époque par les Chigi : Carlo Ces, Giovanni Maria Morandi, Ferdinand Jacob Voet et Gaulis, qui a peint un Clément IX d’une rare intensité. De la collection de sculptures, se détache le splendide buste en terre cuite d’Alexandre VII, malade et proche de la mort, par Melchior Cafà.

Les travaux de restauration effectués jusqu’ici concernent l’étage en mezzanine, la terrasse, l’ameublement (les "corami") de l’aile du XVIIe siècle, les appartement du XVIIIe siècles et toutes les peintures exécutées à tempera par Cades, Cocetti et Giani.

L’ambitieux projet de transformer le palais Chigi en musée nécessiterait l’intervention exceptionnelle d’un organisme international. Le palais pourrait abriter un Centre international d’études sur le baroque qui pourrait héberger des spécialistes et des historiens d’art venus du monde entier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Le château neuf du Pape

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