Belgique

Des Amis classiques aux industriels

Un équilibre fragile à maintenir dans les musées

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 608 mots

Chaque musée un tant soit peu développé compte son association d’Amis organisée selon le modèle des ASBL (associations sans but lucratif, équivalentes des associations régies selon la loi de 1901 en France).

BRUXELLES - Certains musées, comme celui voué à la mémoire d’Horta à Saint-Gilles, sont cogérés par l’association des Amis qui finance en partie la vie de l’institution. Ce cas de figure, heureusement assez rare, débouche généralement sur une politique dont le degré d’ingérence dépend du zèle de son président.

En règle générale, l’action des Amis reste circonscrite à une aide logistique qui n’interfère pas directement dans la gestion organique de l’institution. Les grands musées de Bruxelles, Liège, Anvers ou Gand se sont tous dotés de pareilles structures, tout en se gardant de donner aux Amis une trop grande place dans la gestion de l’institution. Dès lors, à quoi servent ces Amis parfois encombrants ?

À l’origine – et nous nous situons là vers 1905-1910 dans le sillage du Louvre –, les Amis des musées remplissaient avant tout une fonction sociale à l’égard de cette bourgeoisie qui identifiait intellectuellement sa prospérité à l’essor de la vie culturelle. L’association fidélisait une classe sociale autour du musée. L’identification symbolique avec l’institution débouchait sur des donations et des legs qui ont enrichi, par exemple, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique de pièces maîtresses du maître de Flémalle ou de Breughel.

Cette spécificité n’a pas changé ; l’élément mondain reste un des ressorts déterminants de leur existence. Les associations réunissent, en marge du musée, une catégorie sociale qui, même si elle achète moins aujourd’hui, reste un partenaire privilégié. Quelques grandes collections sont ainsi entrées dans les musées de Bruxelles ou d’Anvers. Citons à titre d’exemple, parmi les plus récentes, le legs Goldschmidt, qui a permis l’entrée au musée d’œuvres de Klee ou de Chagall, mais aussi la vente au bénéfice du musée du fonds de la collection ainsi que le versement de sommes impor­tantes.

L’élément mondain
Avec leur structure associative, les "Amis" sont souvent d’un fonctionnement plus souple que les administrations qui ont en charge les musées. Pour les achats – dans une tranche budgétaire qui n’atteint jamais les cimes –, ils peuvent débloquer des fonds et répondre à l’urgence. Ainsi a-t-on déjà vu ces associations prendre en charge l’édition de bulletins d’information, l’organisation de manifestations culturelles en marge des activités du musée, voire le financement de travaux ou d’édition de catalogues d’inven­taires.

Les Amis occupent aussi une fonction importante entre l’institution et la cité. Par leur composition même, les associations d’Amis fédèrent des individus derrière lesquels se dissimulent parfois des industries. Les responsables du Théâtre royal de la Monnaie ont ouvert la voie à une recomposition du paysage associatif en la matière. En créant leur «Monnaie Fondation», ils ont dédoublé le cadre classique des Amis en tant qu’individus par une fondation de sponsors aux moyens plus importants et aux exigences nouvelles.

Les musées sont en passe d’emboîter le pas à l’opéra. Au sein des structures des Amis se dégagent des pôles industriels, qui auront sans doute tendance à s’organiser selon les objectifs propres au sponsoring. Le mécénat cède ainsi la place à une politique qui offre aux sociétés une présence privilégiée dans l’institution et, à cette dernière, des liens préférentiels avec des entreprises qui sont un peu chez elles dans le musée.

Tout repose désormais sur un équilibre fragile entre les instances car, à créer des liens exclusifs avec les Amis, certains conservateurs ont découvert des industriels omniprésents dans la vie des musées, et souvent critiques vis-à-vis de la gestion «fantaisiste» de quelques directions. Aux amitiés individuelles, succèdent la formation de groupes dont l’influence repose sur la puissance d’investissement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Des Amis classiques aux industriels

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