National Portrait Gallery

Les affinités électives des Sitwell

La vie artistique à Londres dans les années 1920-1930

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 607 mots

Au cours des années vingt et trente, Edith, Osbert et Sacheverell Sitwell jouèrent un rôle prépondérant au sein de la société londonienne. Une exposition passionnante, à la National Portrait Gallery, retrace les relations privilégiées des Sitwell avec Picasso, Modigliani, Diaghilev, ou au sein du groupe de Bloomsbury.

LONDRES - Edith, Osbert et Sacheverell Sitwell s’étaient donné pour objectif de "lutter contre l’indifférence aux arts". Difficiles et exigeants à l’égard de leurs fréquentations intellectuelles, curieux de peinture et de poésie, le trio de frères et sœur s’insurgeait contre l’austère morale victorienne.

En 1910, alors que Roger Fry et Clive Bell exposent Cézanne, Gauguin, Van Gogh et Matisse, Osbert et Sacheverell Sitwell organisent la même année, chez Heal, une remarquable exposition sur la jeune peinture, "l’Art contemporain français". En 1915, Edith Sitwell s’enfuit de la demeure familiale de Renishaw, actuelle résidence de Sir Reresby Sitwell.

Elle publie alors ses premiers poèmes et collabore à l’ouvrage de son frère Osbert, Twentieth-Century Harlequinade and Other Poems, en 1916, avant de fonder la revue de poésie Wheels. En 1922, Façade, un spectacle musical et poétique auquel collabore le compositeur William Walton, lui apporte la célébrité. Façade est présenté à la National Portrait Gallery, au travers de manuscrits, de photographies de presse, d’enregistrements et de The Swiss Family Whittlebot, une parodie de Noël Coward.

Dès son arrivée à Londres, Edith Sitwell se lie au groupe de Bloomsbury, qui joue un rôle déterminant dans la vie culturelle anglaise de l’époque. Les intellectuels et les artistes qui s’y retrouvent – influencés par les idées de George Edward Moore, auteur de Principia Ethica – militent en faveur d’une nouvelle "éthique intuitionniste" où le sens du beau serait une voie privilégiée vers la vie morale.

Le groupe entraîne dans sa mouvance des peintres (Roger Fry et Clive Bell, Duncan Grant, Vanessa Bell), des écrivains et des poètes (E.M. Forster, Aldous Huxley, T.S. Elliot), ainsi que le philosophe Bertrand Russell. En 1917, Leonard Woolf et sa femme, Virginia Woolf, créeront leur maison d’édition, la Hogarth Press, dans le quartier de Bloomsbury.

Les Sitwell furent les mécènes de Picasso, de Modigliani et du futuriste Severini, dont les dessins, acquis en 1910, sont présentés à l’exposition. Les relations entre Edith et le peintre néo-romantique Pavel Tchelitchev sont illustrées par plusieurs portraits, parmi les œuvres les plus mémorables de l’artiste russe, provenant de la collection d’Edith. Mais les Sitwell furent aussi l’objet de critiques acerbes : F.R. Leavis déclara qu’ils "appartenaient à l’histoire de la publicité plus qu’à celle de la littérature" et D. H.

Lawrence considérait ce groupe d’intellectuels comme "des esthètes, des grands bourgeois, des aristocrates profitant de leurs privilèges pour affirmer leur différence". Alors qu’il écrivait L’amant de Lady Chatterley, il fit la rencontre d’Osbert Sitwell et s’en inspira pour brosser le portrait de Sir Clifford.

Une série de photographies du jeune Cecil Beaton – avec qui ils nouèrent une amitié durable – et d’autres clichés de Bill Brandt, de George Platt Lynes et de Horst P. Horst témoignent de la publicité permanente qui entourait le trio. Des portraits d’Edith Sitwell et de Nancy Cunard par Alvaro Guevara ; d’Iris Tree par Vanessa Bell ; des tableaux peu connus de William Roberts et de C. R. Nevinson sont également exposés.

Les visiteurs pourront en outre visionner la célèbre interview accordée par Edith à la BBC et admirer certains de ses spectaculaires vêtements et bijoux. Un manuscrit de l’œuvre la plus célèbre d’Osbert, Left Hand, Right Hand !, sera accompagné de certaines des peintures originales commandées à John Piper pour l’illustrer, ainsi que d’autres documents inédits prêtés par la famille.

\"Les Sitwell\"

Londres, National Portrait Gallery, jusqu’au 22 janvier 1995.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Les affinités électives des Sitwell

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