New York

Le dessin fait un carton

Le XVIIIe siècle vénitien a toujours autant de succès

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 695 mots

Enchères records pour deux dessins de Bernard van Orley et un dessin de Gerbrand van den Eeckhout lors des deux ventes de dessins anciens organisées à New York, le 10 janvier chez Sotheby’s, et le 12 chez Christie’s.

NEW YORK - Le 10 janvier dernier, à New York, Sotheby’s dispersait un nombre important de dessins anciens. Un ensemble de trente-huit dessins de maîtres vénitiens du XVIIIe siècle ouvrait la vente. Les dessins de cette collection privée européenne n’étaient pas d’une qualité exceptionnelle, comparés aux magnifiques dessins de Tiepolo, de Guardi et de leurs contemporains qui se sont trouvés sur le marché depuis ces quarante dernières années.

Par ailleurs, on a noté que pour certains d’entre eux, le papier avait été inconsidérément nettoyé par des collectionneurs trop scrupuleux. Et pourtant, ces éléments n’influèrent pas sur les résultats de la vente, les dessins du XVIIIe siècle vénitien ayant toujours autant de succès auprès des collectionneurs.

Les marchands londoniens ne s’y sont pas trompés qui, à la suite de Luca Baroni de la galerie Colnaghi et John Morton Morris de chez Hazlitt, ont été des enchérisseurs très remarqués. Baroni remporta sept lots, dont le dessin au crayon de Canaletto, Personnages de la Commedia dell’arte sur scène, pour 85 000 dollars (environ 500 000 francs), ce qui correspondait à l’estimation basse, et un crayon de Giambattista Tiepolo, le Martyre de saint André, pour 70 000 dollars (environ 380 000 francs).

Morton Morris acheta le charmant dessin aquarellé de Bison, Homme et Femme regardant par la fenêtre, pour 29 000 dollars (environ 150 000 francs), contre une esti­mation de 12 à 16 000 dollars, ainsi qu’un lavis de Giambattista Tiepolo, Polichinelle assis, pour 60 000 dollars (environ 325 000 francs), contre une estimation de 30 000 à 35 000 dollars. L’enchère la plus haute fut atteinte par le dessin de Gianbattista Tiepolo, Vue sur une entrée de ferme. Ce sujet, rare chez l’artiste, était abîmé par une décoloration du papier. Cela ne l’empêcha pas de dépasser son estimation de 70 000 à 90 000 dollars, pour être vendu 105 000 dollars (environ 560 000 francs).

La seconde partie de la vente offrait un choix plus large d’œuvres d’époques et d’écoles variées. Deux dessins exceptionnels représentant les ancêtres de la famille Orange-Nassau – des cartons préparatoires pour une série de tapisseries aujourd’hui perdues –, exécutés vers 1530 par Bernard van Orley, maître bruxellois du début du XVIe siècle, étaient estimés entre 120 000 et 180 000 dollars. L’un représente Otto, comte de Nassau et sa femme, Adelheid van Vianden, identifiables à leur blason et à une inscription en latin. L’homme et la femme sont à cheval et se détachent au premier plan sur un fond de paysages paisibles et verdoyants.

Après des enchères disputées entre Bob Habolt, Artemis (sans doute pour le compte du Getty Museum) et un client au téléphone qui représentait un musée belge, le premier carton a été adjugé 270 000 dollars (environ 1,5 million de francs), à Jill Newhouse, qui enchérissait pour le Metropolitan. Le second carton, représentant Johan IV de Nassau et son épouse Maria van Loon-Heinsberg, en meilleur état, mais plus gauche dans le dessin des personnages, a été vendu à Artemis pour 350 000 dollars (environ 1,9 million de francs).

Christie’s, le 12 janvier, offrait à New York la plus belle vente de dessins anciens de son histoire. Le clou des enchères fut une émouvante étude au lavis brun d’une Tête de garçon par l’élève de Rembrandt, Gerbrand van den Eeckhout, provenant de la collection Carel Goldschmidt, une œuvre qui faisait partie d’une série d’études de jeunes hommes au repos ou endormis. Jusqu’à ce qu’il soit définitivement identifié, cet ensemble avait été attribué à des artistes aussi divers que Maes, Caspar Netscher, Vermeer et Fragonard. La Tête de garçon se détachait du lot par sa beauté. Malgré quelques taches dans la partie inférieure, elle était en meilleur état que ne le laissait supposer la reproduction du catalogue.

L’œuvre était estimée entre 80 000 et 120 000 dollars, mais les enchères s’envolèrent jusqu’à ce qu’elle soit adjugée à Bob Haboldt, pour le compte d’Eugène Victor Thaw, pour 330 000 dollars (environ 1,8 million de francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : Le dessin fait un carton

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