Art ancien

Lyon

L’Âge d’Or de Monsieur Ingres

Dessins préparatoires pour la peinture murale du château de Dampierre

Par Rossella Froissard · Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 511 mots

Apprécié surtout pour un trait sinueux à la précision raffinée, le peintre montalbanais révèle un aspect peu connu de son art dans l’abondante série d’esquisses pour L’Âge d’Or. Paradoxalement, ces premiers croquis qui témoignent d’une genèse difficile et mouvante, sont plus célèbres que l’œuvre elle-même, restée inachevée.

LYON - En septembre 1839, le duc de Luynes commande à Ingres, alors directeur de la Villa Médicis à Rome, deux grandes compositions murales pour une galerie du premier étage de son château à Dampierre (Yvelines). Les sujets avaient été rapidement arrêtés. Le premier représentait L’Âge d’Or, ère mythique où les hommes se nourrissaient de fruits, vivaient longtemps, jeunes et beaux, puis mouraient en s’endormant.

Le second devait évoquer L’Âge de Fer, époque tourmentée par la déchéance morale, la violence et le labeur. En revanche, les autres aspects de la commande – dimensions, techniques, disposition des personnages – ont fait hésiter le peintre jusqu’en 1849. Après d’innombrables études et esquisses, il a abandonné l’Âge d’Or inachevé, et n’a esquissé pour l’Âge de Fer que le décor architectural.

À travers un cycle de quatre expositions, Georges Vigne a décidé de montrer une grande partie des dessins préparatoires de L’Âge d’Or que le Musée Ingres possède. La première (Montauban, 1992) regroupait autour d’un premier Calque – composition d’ensemble arrêtée par Ingres en 1842 et aboutissement de l’étape initiale de la genèse de L’Âge d’Or – plus de quatre-vingts esquisses et croquis. L’exposition actuelle est centrée sur le Calque conservé à Lyon, deuxième synthèse de la réflexion du peintre entre la fin de 1842 et juillet 1843 ; cent dessins environ accompagnent cette feuille.

"Un tas de beaux paresseux"
Les variantes entre le premier et le deuxième calque sont nombreuses et témoignent, outre la volonté de rendre plus ramassée la composition, d’un érotisme moins glacial chez l’artiste. Si le groupe d’Astrée – La Justice – reste à peu près inchangé, les Jeunes mariés sont remplacés par "un tas de beaux paresseux" occupés à manger et à se caresser. La présence prépondérante de ceux-ci à la place des enfants, nombreux dans la première version, renforce l’érotisme de la composition.

La danse, dans la première pensée presque cachée derrière Le Sacrifice, passe devant celui-ci et devient l’axe central de la composition. La volupté de ce deuxième Âge d’Or,  inspirée également de gravures de Watteau, a offusqué le duc de Luynes, qui souhaitait une peinture plus moralisatrice. La présence d’un dieu, Saturne, que les collages postiches montrent mal intégré dans la composition d’ensemble, n’aurait pas satisfait le censeur.

Les deux dernières expositions, qui seront consacrées à la version peinte à Dampierre et au tableau réalisé par Ingres en 1862 (Fogg Art Museum, Cambridge) devraient nous montrer d’autres tiraillements chez Monsieur Ingres. Jamais sa mine n’aura suivi avec autant de délice et de repentirs l’idéal de jeunesse, de beauté et d’amour d’un Âge d’Or rêvé.

"Les beaux paresseux de l’Âge d’Or", Lyon, Musée des beaux-arts, du 9 février au 9 avril. Commissaires de l’exposition : Georges Vigne et Philippe Durey. Publication : Papiers d’Ingres n° 12, par G. Vigne, 16 pages, 50 repr., 25 F.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : L’Âge d’Or de Monsieur Ingres

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